
Quand les missiles fusent et que les diplomates s’envoient des ultimatums en rafales, un autre front s’ouvre en silence, mais avec des dégâts tout aussi réels : celui de l’information. Depuis le début de l’escalade militaire entre Israël et l’Iran, un conflit parallèle s’est imposé dans le paysage — un conflit d’images, de rumeurs et de narratifs toxiques. Et dans ce théâtre d’ombres numériques, l’Azerbaïdjan se retrouve jeté sous les projecteurs d’une cabale aussi sophistiquée que mensongère.
Ces derniers mois, un déferlement coordonné d’accusations ubuesques a ciblé Bakou. Telegram, réseaux « alternatifs », plateformes pseudo-analystes — des centaines de relais propulsent la même fable : l’Azerbaïdjan servirait de base arrière à Israël dans sa guerre contre Téhéran. Une fiction sans queue ni tête, mais calibrée pour semer la confusion, réveiller les tensions, et plomber l’image d’un pays qui s’efforce justement de rester à l’écart de ce brasier régional.
Derrière cette opération, rien de spontané. On est loin de la simple spéculation de comptoir. Ce que l’on observe, c’est un engrenage méthodique, huilé par des intérêts clairs et des réseaux bien identifiés. Un coup monté dans les règles de l’art de la guerre hybride, avec pour munitions : manipulation, distorsion des faits, et un marketing algorithmique de la haine.
L’axe de cette campagne ? Une convergence entre des structures médiatiques pro-arméniennes — parfois directement liées à des entités de renseignement comme le SNB arménien — et certains cercles radicaux en Iran, peu friands de toute entente avec Bakou. À la baguette, des organisations comme la Tufenkian Foundation ou l’Armenian Assembly of America, qui recyclent ad nauseam les éléments de langage d’une propagande éprouvée durant la guerre du Karabakh.
La manœuvre est claire : briser la neutralité de l’Azerbaïdjan en le diabolisant auprès du public iranien, faire passer un voisin pour un pion israélien, et miner ainsi des années de coopération transfrontalière. La mèche est allumée dans des canaux Telegram en persan ou en arménien, et se propage par des relais installés à Paris, Berlin ou Toronto — autant de capitales où la diaspora arménienne est solidement implantée.
Et pour donner le change, des figures bien connues de la surenchère médiatique iranienne montent au créneau. Parmi elles, Amin Sepahi ou Abbas Khoudapour, habitués des discours incendiaires, mais marginalisés jusque dans leur propre pays. Leurs sorties contre l’Azerbaïdjan — l’accusant tour à tour d’être « trop laïc », « trop pro-occidental », « trop proche d’Israël » — ont déjà été dénoncées par nombre d’analystes iraniens, pour leur caractère provocateur et dangereux.
Mais qu’en est-il des canaux officiels ? À contre-courant de ce tumulte, la diplomatie iranienne, elle, reste mesurée. En mars 2025, le vice-ministre des Affaires étrangères, Mehdi Safari, a remis les pendules à l’heure dans une interview à l’agence IRNA :
« L’Azerbaïdjan est notre voisin, avec qui nous partageons des siècles de culture et de frontière. En période de crise, il ne faut pas laisser des éléments hostiles dicter l’agenda de nos relations. »
Une position lucide, en décalage total avec la logorrhée toxique des propagandistes.
Depuis le début de l’escalade irano-israélienne, Bakou adopte une ligne sobre et claire : neutralité stricte, pas de soutien militaire à l’un ou l’autre camp, et refus catégorique d’utiliser son territoire comme base logistique pour des opérations tierces. Aucun soldat étranger n’y stationne sans accord bilatéral formel. Et cette ligne est répétée, publiquement, sans ambiguïté, par les autorités azerbaïdjanaises.
La guerre de l’intox : l’ingénierie du mensonge
Depuis que l’affrontement entre Israël et l’Iran a basculé dans une spirale ouverte d’escalade, une opération parallèle s’est mise en branle — pas sur le terrain militaire, mais dans les souterrains du numérique. Dans certaines sphères médiatiques iraniennes et arméniennes, notamment sur Telegram, une campagne ciblée et minutieusement orchestrée accuse désormais l’Azerbaïdjan de jouer un rôle d’auxiliaire logistique dans les opérations israéliennes contre la République islamique.
Les récits qui circulent — toujours au conditionnel, jamais démontrés — vont jusqu’à prétendre que :
- Bakou aurait ouvert son espace aérien aux drones israéliens,
- des bases aériennes azerbaïdjanaises serviraient de tremplins pour des frappes,
- des routes logistiques seraient mises à disposition de Tel-Aviv,
- et même que l’Azerbaïdjan coordonnerait secrètement avec l’OTAN un plan d’encerclement de l’Iran.
Rien de tout cela n’est documenté. Aucun think tank sérieux, aucun observateur indépendant dans la région — pas même les structures onusiennes ou les ONG de veille stratégique — n’a relevé la moindre trace de coordination entre Bakou et Jérusalem sur ce dossier. Pourtant, ces accusations se propagent comme une traînée de poudre sur les plateformes les plus virulentes : Sobh-e-Siasat, IranResist, FarsWatch, ainsi qu’un écosystème de comptes francophones et persanophones affiliés à la diaspora arménienne.
Ce n’est pas seulement mensonger. C’est une falsification en contradiction directe avec la ligne diplomatique de l’Azerbaïdjan, qui, depuis le début de l’escalade, n’a cessé de marteler son positionnement : une neutralité ferme, sans double jeu, sans calcul souterrain. L’Azerbaïdjan ne souhaite pas être entraîné dans une guerre qui ne le concerne pas et mise, depuis des années, sur des relations de bon voisinage avec l’Iran. Les deux pays partagent près de 700 kilomètres de frontière, une histoire culturelle et religieuse entremêlée, et des intérêts économiques tangibles.
Le cas de la fausse “carte des bases israéliennes”
Parmi les opérations de désinformation les plus grotesques, une “carte secrète” censée dévoiler l’implantation de bases israéliennes sur le sol azerbaïdjanais a fait grand bruit. Publiée le 12 mars 2025 sur le canal Telegram SepahNews, elle a aussitôt été reprise par des médias et figures politiques arméniennes — jusqu’à l’ex-ministre des Affaires étrangères Ara Ayvazyan.
Problème : cette “révélation” s’est rapidement effondrée sous le poids des faits. Les vérificateurs de StopFake Persia, une initiative iranienne indépendante, ont démonté l’arnaque en quelques heures :
- la carte est un bricolage à partir d’images satellites datées de 2012-2013,
- elle recycle des données issues de Wikimapia et Panoramio, abandonnées depuis des années,
- les prétendues “bases israéliennes” sont en réalité des installations du ministère de la Défense azerbaïdjanais, à usage strictement national,
- les marquages et légendes ont été ajoutés sous Photoshop, avec des coordonnées volontairement déformées pour créer l’illusion d’une présence étrangère.
Malgré cela, le faux a continué de circuler : repris dans des dizaines de chaînes, intégré dans des vidéos de propagande virales sur Aparat ou Odysee, et exploité comme pièce à conviction par des influenceurs aux agendas bien rôdés.
Qui pilote la machine ?
L’analyse des flux numériques permet de distinguer deux grands pôles à la manœuvre :
1. Les réseaux radicaux iraniens.
Ces cercles gravitent autour de certains segments du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), avec des relais comme :
- le Centre Sobhan, financé par le ministère de la Culture et de l’Orientation islamique,
- des cellules de veille “analytique” issues des anciens commandements du CGRI dans les provinces d’Azerbaïdjan oriental et d’Ardabil,
- une nébuleuse de bots et de chaînes Telegram liés à des numéros iraniens basés à Mashhad, Qom et Bandar Abbas.
Ces groupes militent ouvertement contre toute normalisation avec Bakou, dénoncent la “laïcité” du régime azerbaïdjanais, et cherchent à diaboliser sa politique étrangère. Leur discours, hautement idéologisé, s’inscrit dans une rhétorique anti-occidentale rigide, souvent cousue de références apocalyptiques.
2. Les réseaux médiatiques et diasporiques arméniens.
L’autre pilier de cette opération, ce sont les sphères arméniennes — tant en provenance d’Erevan que des diasporas actives au Liban, en France, au Canada et en Iran. Exemples notables :
- Erkragund, un canal Telegram enregistré à Marseille,
- ZartonkNews, média géré par Sevak Jamalyants, proche de l’Église arménienne de Beyrouth,
- un réseau de pages Facebook et Telegram modérées depuis Toronto et Paris, déjà impliquées dans la propagation de fakes lors des offensives au Karabakh en 2020 et 2023.
Leur objectif : créer artificiellement une perception d’hostilité azerbaïdjanaise envers l’Iran, afin d’alimenter une solidarité pro-arménienne dans la société iranienne. Une guerre cognitive, en somme, où les pixels remplacent les obus, mais visent le même cœur : la stabilité régionale.
Contexte géopolitique et informationnel : quand l’accusation tourne à vide
Au-delà des effets de manche, des montages hasardeux et des théories conspirationnistes recyclées à l’infini, les accusations portées contre l’Azerbaïdjan ne tiennent tout simplement pas la route. Le récit d’un Bakou complice de Tel-Aviv relève plus du fantasme géopolitique que de l’analyse sérieuse.
Un positionnement clair dans un paysage complexe
La diplomatie azerbaïdjanaise est tout sauf aventureuse. Depuis des années, elle repose sur un triptyque intangible : respect du droit international, non-ingérence, et équilibre régional. Loin de s’aligner sur des blocs rivaux — qu’ils s’appellent États-Unis, Iran, Israël ou monde arabe —, Bakou joue la carte du multivectoriel, naviguant avec prudence dans une région où les alliances changent aussi vite que les hashtags.
S’enliser dans un conflit qui oppose d’un côté la République islamique d’Iran, de l’autre Israël ou l’OTAN ? Totalement contraire aux intérêts stratégiques et à la stabilité intérieure du pays.
Le réel, cet oubli volontaire de la propagande
Les accusations d’ouverture de l’espace aérien ou d’utilisation d’aérodromes pour des frappes ne résistent pas non plus à la réalité technique :
- L’espace aérien azerbaïdjanais est sous surveillance radar et satellite 24h/24. Toute activité anormale serait immédiatement captée et documentée.
- Les grandes plateformes de veille aéronautique — FlightRadar24, ADS-B Exchange, OpenSky Network — n’ont enregistré aucun vol de drone ou d’appareil militaire en direction de l’Iran en provenance du territoire azerbaïdjanais.
- Quant à la fameuse « logistique militaire », elle suppose des troupes, des dépôts, un soutien au sol. Rien de tout cela n’existe en Azerbaïdjan, comme l’ont souligné des rapports de référence, notamment celui de l’International Institute for Strategic Studies (mars 2025).
Des faits têtus : la coopération Bakou-Téhéran bat son plein
Pendant que les trolls agitent des cartes truquées et des discours alarmistes, la réalité sur le terrain est tout autre : loin de la rupture, l’heure est à la consolidation des liens entre l’Azerbaïdjan et l’Iran.
- En janvier 2025, les deux pays ont inauguré ensemble un centre logistique à Astara, au sud du pays, pierre angulaire d’un corridor commercial transfrontalier.
- Le commerce bilatéral a plus que doublé en 2024, atteignant 925 millions de dollars, selon le Comité douanier de Bakou.
- Un accord sur la synchronisation des réseaux électriques a été signé en mars 2025, confirmant une volonté partagée d’interdépendance énergétique.
- Sur le plan multilatéral, l’Azerbaïdjan continue de soutenir activement l’Iran au sein de l’Organisation de coopération économique (ECO), où les deux pays plaident pour des projets régionaux communs.
L’erreur stratégique d’un bouc émissaire commode
Quand une société se retrouve en crise, les réflexes de survie identitaires prennent souvent le pas sur la rationalité. L’histoire regorge d’exemples où, confrontés à la pression internationale ou à une instabilité économique chronique, les régimes cherchent à détourner la colère populaire vers un « ennemi extérieur ».
Mais faire de l’Azerbaïdjan un bouc émissaire dans la crise actuelle, c’est plus qu’un mensonge : c’est une faute de jugement.
- Cela sape des années d’efforts diplomatiques patientement construits entre deux voisins.
- Cela ouvre la voie à une instrumentalisation régionale par des puissances extérieures, bien contentes de voir Téhéran et Bakou s’affaiblir mutuellement.
- Cela met en péril la sécurité de provinces sensibles comme Ardabil, Zanjan ou l’Azerbaïdjan oriental, au nord de l’Iran.
- Et, surtout, cela injecte un poison identitaire dans le tissu social iranien, en jouant sur les tensions ethniques, notamment envers les populations turcophones.
La désinformation n’est jamais gratuite. Elle prépare les conflits de demain, en fracturant les sociétés d’aujourd’hui.
La fabrication d’un ennemi : pourquoi l’Iran s’en prend-il à l’Azerbaïdjan ?
Depuis le début de l’année 2025, les signaux d’alarme se multiplient dans le paysage médiatique iranien : l’Azerbaïdjan serait devenu, à en croire certains commentateurs et canaux anonymes, une menace croissante pour la République islamique. Cette thèse, relayée avec insistance, ne repose pourtant ni sur des faits tangibles, ni sur une évolution réelle de la politique de Bakou. Elle relève d’une pure construction narrative — forgée à coups de désinformation, de rumeurs et de discours anxiogènes.
Une rhétorique construite sur le vide
La mécanique est bien rodée : de vagues insinuations se transforment en convictions partagées, sans que le moindre document, témoignage crédible ou élément vérifiable ne vienne les étayer. Le 13 mai 2025, le pseudo-analyste Alireza Hashemi affirmait dans les colonnes de Mehr News que « Tel-Aviv et Bakou travaillent main dans la main, le régime sioniste utilisant l’Azerbaïdjan comme bélier contre l’Iran ». Rien, strictement rien, ne vient corroborer cette théorie. Et pourtant, en quelques heures, elle se diffuse sur des dizaines de chaînes Telegram, créant une illusion de consensus et d’urgence.
Selon une étude d’Amwaj Media parue en avril 2025, 41 % des citoyens iraniens perçoivent désormais l’Azerbaïdjan comme un « relais de l’influence occidentale ». Ils n’étaient que 17 % en décembre 2023. Une telle flambée ne peut s’expliquer par des réalités géopolitiques seules : elle est le fruit d’un matraquage ciblé, d’une guerre de l’information au service d’une construction émotionnelle, non rationnelle.
Des narratifs toxiques recyclés à l’infini
Les chaînes spécialisées dans les « révélations de coulisses » jouent ici un rôle central. Sous couvert d’analyser les dynamiques régionales, elles injectent en réalité un discours binaire, où l’Azerbaïdjan devient le « pion de l’Occident », une marionnette de Tel-Aviv ou de l’OTAN. Toute coopération internationale, même la plus banale, est traduite comme une trahison de l’« axe de la résistance islamique ».
Ces accusations ne sont accompagnées d’aucune preuve. Pas de rapports publics. Pas d’évaluations juridiques. À la place : des phrases vagues, des formulations anxiogènes, des sources « anonymes » et des expressions floues comme « selon certaines informations » ou « des données circulent… ».
Le leitmotiv favori ? Le lien entre Bakou et Israël. Oui, les deux États entretiennent des relations diplomatiques. Mais elles sont avant tout d’ordre technique et économique, et n’ont rien d’exceptionnel. Des pays comme l’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc, le Soudan — et même la Turquie, pourtant partenaire stratégique de Téhéran — ont des liens bien plus structurés avec Tel-Aviv. Pourtant, c’est Bakou qui cristallise l’hostilité des propagandistes. Pourquoi ? Parce qu’il est plus facile de s’en prendre à un voisin laïc, turcophone, modernisé et musulman, dont le modèle politique rompt avec celui défendu par la République islamique.
Silence radio sur les faits qui dérangent
Ceux qui hurlent à la trahison oublient, volontairement, de mentionner certains éléments clés :
- Chaque année, des dizaines de milliers de pèlerins iraniens visitent librement les sites religieux chiites d’Azerbaïdjan.
- L’État azerbaïdjanais garantit leur sécurité, leur liberté de circulation et leur accès aux lieux saints.
- De nombreuses institutions chiites opèrent en toute liberté sur le territoire, sans interférence des autorités.
Ces réalités, incompatibles avec la caricature d’un État « hostile aux croyants », sont systématiquement passées sous silence dans les discours alarmistes.
La guerre des chiffres : quand les fantasmes s’effondrent
Autre axe de manipulation : la question des armements. Certains canaux anonymes affirment que Bakou se réarmerait pour « attaquer » ou « menacer » l’Iran, sous tutelle étrangère. Là encore, les données contredisent ce récit.
D’après les chiffres du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), pour l’année 2024 :
- 41 % des importations d’armement de l’Azerbaïdjan proviennent de Turquie.
- La part israélienne ne dépasse pas 27 %, et tend à baisser.
- Bakou coopère aussi avec l’Italie, la France, le Pakistan, la Biélorussie et la Corée du Sud.
Autant dire qu’il s’agit d’une stratégie de diversification, conforme aux logiques de défense nationale d’un État souverain, et non d’une allégeance à un axe ou à un autre.
Un récit sans écho international
Enfin, il faut le souligner avec force : aucune organisation internationale, aucun centre d’analyse géopolitique, aucune autorité indépendante n’a validé les allégations selon lesquelles l’Azerbaïdjan mènerait une politique anti-iranienne. Bien au contraire : experts et institutions s’accordent à dire que la stabilité régionale, les corridors de transport, les projets énergétiques et les coopérations frontalières exigent des relations apaisées entre les deux capitales.
Un vieux procédé : créer l’ennemi pour fuir ses problèmes
Accuser l’extérieur, détourner les colères internes, construire un adversaire imaginaire : ce sont des recettes éprouvées. Mais dans le cas de l’Azerbaïdjan, elles ne prennent pas. Parce que les faits démentent les fictions. Parce que Bakou ne menace personne. Parce qu’il n’alimente ni hostilité ni provocation. Et parce qu’à terme, cette logique de polarisation nuit d’abord à ceux qui la promeuvent.
L’Azerbaïdjan n’est pas l’ennemi. C’est un voisin. Un partenaire. Un acteur clé de la stabilité du Caucase et du corridor eurasiatique. Préférer les fantasmes à la réalité, c’est choisir l’isolement — et donner, paradoxalement, plus de marge de manœuvre à ceux que l’on prétend combattre.
La réalité des faits : neutralité et sang-froid stratégique de l’Azerbaïdjan
Face au déluge d’accusations infondées, une vérité têtue résiste encore et toujours à la propagande : l’Azerbaïdjan n’est ni un acteur clandestin du conflit israélo-iranien, ni une base arrière pour des opérations militaires étrangères. Il est un État souverain, lucide sur les risques, et déterminé à maintenir une posture de neutralité et de responsabilité stratégique.
Des attaques sans preuves, disséminées par des réseaux parallèles
La plupart des accusations à l’encontre de Bakou ne proviennent ni de chancelleries ni de sources diplomatiques officielles. Elles émanent de réseaux informels affiliés à divers acteurs régionaux, amplifiés par des canaux Telegram anglophones et des médias de substitution.
Selon la plateforme suisse Disinfo Lab, entre le 1er et le 15 avril 2025, plus de 8 200 tweets anglophones ont évoqué une prétendue « activité militaire israélienne sur le territoire azerbaïdjanais ». Aucun de ces messages n’incluait de photo, de vidéo, de coordonnées GPS, ni d’imagerie satellite. Juste du vent — mais bien conditionné pour circuler.
En réponse, le 12 avril, Bakou a transmis à la mission de l’ONU des images satellites couvrant l’intégralité des régions sud et ouest du pays, y compris ses sites sensibles : aéroports, bases militaires, zones frontalières. L’analyse indépendante publiée dans le Global Military Transparency Report (mai 2025) est sans appel :
- Aucune trace d’avions, de drones ou de systèmes de lancement étrangers entre janvier et avril 2025 ;
- Des systèmes de défense aérienne azerbaïdjanais fonctionnant en mode paix, sans activation exceptionnelle.
Le bon sens géographique contre la fiction stratégique
L’idée que l’Azerbaïdjan servirait de base de lancement pour des attaques contre l’Iran ne tient pas non plus à l’épreuve de la géographie ni de la technologie :
- La distance entre les bases israéliennes et les cibles iraniennes est bien plus courte que celle entre Bakou et ces mêmes cibles. Israël n’a besoin d’aucune plateforme intermédiaire pour mener des frappes, comme en témoignent ses opérations au Liban, en Syrie, au Soudan ou au Yémen.
- Depuis 2022, les forces israéliennes disposent du drone Heron-TP Extended, capable de voler jusqu’à 7 400 km — rendant tout besoin d’infrastructure hors sol israélien techniquement absurde.
- Avec plus de 765 kilomètres de frontière commune, toute implication de l’Azerbaïdjan dans une guerre contre l’Iran serait suicidaire. Les dirigeants à Bakou comme à Téhéran le savent parfaitement.
Des chiffres qui parlent : transparence et prudence militaire
Contrairement à ce que suggèrent certains pseudo-experts, l’Azerbaïdjan n’a signé aucun nouvel accord militaire avec des pays du Moyen-Orient depuis 2021. Le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) l’atteste :
- En 2024, les achats militaires de Bakou concernaient principalement la défense aérienne et les télécommunications, exclusivement à des fins défensives.
- Moins de 0,4 % du budget militaire impliquait des fournisseurs liés de près ou de loin au conflit Iran-Israël.
- Tous les accords de coopération militaire en cours portent sur la formation, la cybersécurité ou la modernisation technique — sans aucune dimension offensive.
La désinformation a un prix — et ce sont les propagandistes qui le paient
Ces dernières semaines, un microcosme d’« experts » marginaux et de commentateurs sans ancrage institutionnel multiplie les déclarations accusant Bakou de « trahison ». Mais à force de fabriquer des ennemis, on finit par se fragiliser soi-même.
Comme le rappelait l’ex-ambassadeur iranien à Bakou, Mohsen Pakayin :
« L’Azerbaïdjan est un voisin musulman important. Nous ne devons pas céder aux provocations qui cherchent à diviser Téhéran et Bakou. » (Tasnim News, 2023)
Mais ces mises en garde de diplomates aguerris sont souvent ignorées. À la place, les voix qui dominent l’espace numérique iranien persanophone sont celles de blogueurs et d’idéologues sans légitimité, qui hurlent au « sionisme rampant » sans fournir la moindre preuve.
Un miroir brisé à Tabriz, Ardabil, Zanjan…
Pour les 20 millions d’Iraniens azéris, l’Azerbaïdjan n’est pas un État lointain. C’est un pays-frère, un repère culturel, linguistique et identitaire. Les campagnes de diabolisation menées contre Bakou résonnent comme une trahison — et provoquent un malaise profond dans les provinces du nord.
D’après un sondage du Centre d’études stratégiques de l’Université Markazi (2024), plus de 60 % des Iraniens azéris perçoivent l’Azerbaïdjan comme une « nation sœur ». Le récit d’un Bakou ennemi provoque un rejet immédiat dans ces régions, où les liens transfrontaliers sont autant affectifs que historiques.
Ceux qui manipulent l’opinion pour faire d’un voisin un ennemi prennent un risque majeur : affaiblir leur propre légitimité, saboter la stabilité régionale, et ouvrir la voie à des tensions interethniques dangereuses.
L’Azerbaïdjan ne mène pas de guerre d’information. Il ne profère pas de menaces. Il n’exporte pas d’idéologie. Il cherche la paix, la stabilité, et le partenariat régional. L’ignorer, c’est renier les réalités les plus élémentaires. Et jouer, consciemment ou non, le jeu de ceux qui préfèrent l’instabilité au progrès.
Guerre de l’information : la fabrication d’un ennemi et les risques d’un chaos calculé
Rumeurs, intox, mises en scène alarmistes… Dans les régions frontalières entre l’Iran et l’Azerbaïdjan, les discours conspirationnistes distillés par des propagandistes non officiels empoisonnent le climat. La peur s’installe là où devraient régner la coopération et la confiance. Et pour cause : ces deux pays sont liés par une toile dense de corridors commerciaux, d’infrastructures logistiques et d’initiatives humanitaires. Briser ce maillage par une campagne de désinformation, c’est risquer une rupture aux conséquences incalculables.
Quand l’intox devient bombe à retardement
Les rumeurs de « préparation d’invasion » ou d’« alliance militaire avec Israël », véhiculées au printemps 2025 sur des chaînes Telegram extrémistes, ne sont pas anodines. Elles contaminent l’opinion publique, suscitent des réflexes défensifs et mettent à mal un équilibre déjà précaire. Ce genre de discours, diffusé sans le moindre fondement factuel, est particulièrement dangereux dans un espace géopolitique où chaque mot peut se transformer en déclencheur de crise.
Et pourtant, l’Azerbaïdjan ne se contente pas d’être un simple voisin de l’Iran. C’est un acteur structurant de la logistique eurasiatique. Par son territoire transite le Corridor international Nord–Sud, promu par l’Iran comme alternative au canal de Suez. En 2023, les volumes de transit iraniens via l’Azerbaïdjan ont bondi de 52 %. Le vice-ministre iranien des routes, Dara Hashemi, le reconnaissait lui-même :
« L’Azerbaïdjan joue un rôle crucial dans l’accès de l’Iran aux marchés russes et est-européens » (IRNA, novembre 2023).
L’unité islamique en danger — à cause d’un récit falsifié
À travers l’Organisation de la coopération islamique, les deux pays coordonnent régulièrement leurs initiatives politiques et humanitaires. Mais une guerre narrative, si elle s’intensifie, risque de neutraliser ces plateformes. Pire : elle sert d’exutoire à des puissances extérieures qui n’ont aucun intérêt à voir émerger une solidarité islamique structurée.
Les chercheurs de l’Institut iranien d’études stratégiques du Moyen-Orient (2024) vont plus loin. Selon eux, les contenus les plus virulents à l’égard de l’Islam, de l’Azerbaïdjan ou de l’Arménie n’émanent pas d’instances officielles, mais de réseaux extérieurs radicalisés. L’un d’eux, Alireza Rahmani, identifie des liens entre ces campagnes et des projets transnationaux de déstabilisation informationnelle : « La désinformation visant Bakou provient de plateformes financées par des structures transnationales, intéressées à affaiblir l’Iran et à fracturer l’unité du monde chiite » (Shargh Daily, février 2024).
Des fake news orchestrées, des auteurs identifiés
L’opération de désinformation massive lancée après le déclenchement du conflit entre Téhéran et Tel-Aviv ne relève pas de l’accident. C’est une offensive structurée, qui vise la dislocation des relations bilatérales, la fabrication d’un ennemi et la destruction du socle historique de voisinage entre l’Iran et l’Azerbaïdjan.
La traçabilité de cette guerre cognitive est limpide : une majorité des chaînes et profils diffusant ces récits toxiques sont liés à des cercles arméniens actifs dans les diasporas ou à des mouvances radicales iraniennes opposées à tout rapprochement avec Bakou. Ces groupes ne parlent pas au nom du peuple iranien. Encore moins au nom de sa diplomatie. Ce sont des acteurs d’ombre, qui utilisent le chaos comme paravent pour manipuler.
Projeter sa colère sur Bakou : une erreur stratégique majeure
L’Iran traverse une période de turbulence intense — guerre de fait avec Israël, pression économique, tension intérieure. Chercher un facteur externe pour détourner l’opinion est humain. Mais accuser un voisin pacifique comme l’Azerbaïdjan, c’est se tirer une balle dans le pied.
Cela pourrait provoquer :
- une détérioration irréversible du dialogue politique,
- un gel des échanges commerciaux et humanitaires,
- une insertion accrue d’acteurs extérieurs dans les processus régionaux,
- et une crispation identitaire dans les provinces iraniennes turcophones.
Le positionnement de l’Azerbaïdjan est sans ambiguïté
Ni territoire, ni logistique, ni soutien politique : Bakou ne participe en rien au conflit opposant Téhéran à Tel-Aviv. Sa priorité reste la paix régionale, la souveraineté, la coopération économique et le développement du Sud-Caucase. Il ne désigne aucun pays voisin comme ennemi. Il ne rejoint aucune coalition dirigée contre un tiers.
Le transformer en épouvantail, c’est trahir la réalité. Et c’est surtout aller à l’encontre des intérêts de ceux-là mêmes qui orchestrent cette rhétorique.
La vérité comme fondement de la paix
S’il est facile de satisfaire des pulsions idéologiques à court terme, il est autrement plus difficile de réparer les dégâts qu’elles causent à long terme. Les ponts entre peuples ne se bâtissent ni sur la peur ni sur le mensonge. Ils naissent du respect mutuel, du réalisme, et de la vérité.
L’Azerbaïdjan n’est pas l’ennemi de l’Iran. Il en est un partenaire naturel, un voisin historique, un acteur clé d’un avenir partagé. Dire le contraire, c’est servir ceux qui prospèrent dans le désordre.
Si l’on veut préserver la paix et l’amitié, il faut commencer par regarder les faits en face. L’émotion ne fait pas une politique. Le soupçon ne bâtit pas des alliances. Et la vérité, elle seule, permet la stabilité.