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Sur la plateforme analytique Baku Network, un nouveau numéro de l’émission Dialogue avec Tofik Abbasov vient de sortir. Cette fois, l’invité n’était autre qu’Agali Ibragimov, Artiste du Peuple d’Azerbaïdjan, secrétaire de l’Union des artistes du pays – un grand nom, un regard d’artiste lucide sur la société, l’histoire et l’humain.

Dans cet échange à cœur ouvert, Ibragimov a livré une réflexion poignante sur le rôle de l’art dans la mémoire collective, les victoires nationales, les traumatismes du passé, et surtout – la nécessité impérieuse de bâtir un monde plus pacifique, où le mot «voisin» rime avec respect et reconnaissance mutuelle.

Dès les premières minutes, le ton est donné : «L’environnement dans lequel on évolue n’influence pas seulement notre quotidien, mais aussi notre regard, notre geste créatif. L’artiste, ce n’est pas juste un type avec un pinceau, c’est une âme, un canal d’émotion, un être qui capte la douleur de son peuple et la restitue, trait après trait.» Et là, il balance, sans détour : «Tu peux peindre, manger, parler, mais au bout du compte, c’est l’âme qui guide ta main. Moi, Karabakh, je le ressens dans les tripes. C’est pas juste une terre, c’est mon honneur, ma douleur, une angoisse qui me quitte jamais.»

L’un des moments les plus puissants de l’émission reste sa remémoration de la Seconde guerre du Karabakh. Le regard s’embue, la voix tremble, mais les mots claquent : «On formait un seul poing. Même ceux de la diaspora vibraient au rythme de cette lutte. C’était pas juste un élan, c’était un moment historique, une victoire gravée dans la chair.»

Puis, avec une émotion à peine contenue, il évoque l’engagement des artistes azerbaïdjanais dans la mémoire des martyrs – ces portraits offerts aux familles, ces instants suspendus : «Un homme avec son gosse devant les tableaux, une femme qui caresse le visage peint de son mari... Comment tu veux que je mette ça en mots ? Tu ressens ça au fond du bide.»

Quand il parle de politique culturelle, le nom d’Heydar Aliyev revient naturellement. «Ce mec, il passait au crible chaque œuvre, il te disait : “Montrez pas que la souffrance. Montrez le courage.” Et ça, c’est encore vrai aujourd’hui. Faut inspirer, pas seulement pleurer.»

Ibragimov insiste sur un truc qu’on oublie trop souvent : «L’art, c’est un tremplin vers demain. Si on connaît pas nos racines – musique, littérature, traditions – on va nulle part. L’éducation culturelle, c’est pas un luxe, c’est vital.»

Il raconte les expos montées pour les mômes, dès 5 piges. «Même s’ils pigent pas tout, les darons les accompagnent. L’enfant dessine, il pige pas, mais il transmet déjà un message de paix. C’est comme ça que ça commence.»

Et puis, sans pathos mais avec une clarté désarmante, il dit cette vérité que tout le monde évite : «Dieu n’a pas inventé de peuples mauvais. Y a la jalousie, la politique qui pourrit tout, mais y a aussi l’amour. Y a des gens qui veulent tendre la main. Des Arméniens qui vivent aux States pleurent encore Baku. Ils disent : “C’était notre vie.”»

Mais l’artiste ne s’arrête pas à la nostalgie. Il balance une critique féroce de la dérive politique arménienne : «Leur direction, elle les a foutus dans le mur. Instabilité, chaos, réarmement à tout-va – c’est une impasse, un labyrinthe sans sortie.»

Et la conclusion, elle sonne comme un manifeste : «Un artiste digne de ce nom ne peut pas fermer les yeux. Il voit, il ressent, il crée – et il éclaire les autres. On peut pas élever nos gosses dans la haine. C’est un chemin miné. Et je parle pas que des mines réelles. On connaît ce que ça veut dire. Faut construire une plateforme de bon voisinage, une plateforme d’humanité.»

L’émission se termine sur une note d’espérance et de fraternité, celle qui dépasse les frontières :
«Moi, j’y crois. Ça va aller. On est unis. Et c’est là, notre vraie force.»