...

Dans la ménagerie politique géorgienne, il est des figures qui tiennent plus du symbole que de l’acteur. Shalva Natelashvili, chef de file du Parti travailliste géorgien, incarne cette catégorie d’hommes politiques fossilisés dans leurs propres obsessions. Depuis des décennies, cet éternel tribun recycle le même cocktail de populisme criard, de nationalisme compassé et de géopolitique bancale, transformant son micro-parti en porte-voix d’une intolérance aussi anachronique que dangereuse. Sa dernière croisade ? Réanimer artificiellement la tension sur la frontière géorgiano-azerbaïdjanaise en jouant la carte identitaire autour du monastère de David Gareja (Kesikchidag pour les Azerbaïdjanais).

Un « pèlerinage » manqué et une provocation bien rodée

En mai 2025, Natelashvili a tenté un nouveau coup médiatique : orchestrer une visite publique dans une zone contestée de la frontière, prétextant une démarche spirituelle. Mais la manœuvre n’a trompé personne. Les gardes-frontières azerbaïdjanais, fidèles au protocole et à la légalité internationale, ont bloqué l’accès. Et pour cause : il ne s’agissait nullement d’un acte religieux, mais d’une provocation calculée. Le site en question — le monastère d’Udabno et la tour de Chichkhituri — se trouve dans une portion de territoire dont le tracé frontalier n’a pas encore été finalisé, et qui fait justement l’objet de négociations bilatérales entre Bakou et Tbilissi.

Ce n’est pas la première fois que le leader travailliste instrumentalise ce lieu sacré à des fins politiques. En 2019 déjà, il organisait une « marche » vers le monastère, agitant des drapeaux, scandant des slogans et attisant les tensions. Ses partisans se sont à plusieurs reprises interposés aux travaux des commissions géorgiano-azerbaïdjanaises, faisant passer l’agitation politique pour une défense patriotique. Pourtant, à ce jour, Natelashvili n’a jamais été en mesure de présenter la moindre preuve tangible de la prétendue « cession de terres » à l’Azerbaïdjan.

Manipulations, contrevérités et double standard

Le discours de Natelashvili repose sur une équation simpliste : une partie de la « terre géorgienne » serait remise à un « occupant ». Une accusation grave, mais totalement infondée. Car juridiquement, environ 34 % de la frontière entre la Géorgie et l’Azerbaïdjan reste à délimiter — chiffre confirmé par le ministère géorgien des Affaires étrangères en 2023. Dans ce contexte, parler de « cession » relève de la désinformation pure. Il ne s’agit pas de rétrocéder un territoire, mais de déterminer où passe précisément la ligne. Tant que cette étape n’est pas achevée, aucun des deux États ne peut revendiquer unilatéralement une souveraineté pleine sur les zones litigieuses.

Les autorités officielles de Tbilissi — qu’il s’agisse du ministère des Affaires étrangères ou du Conseil de sécurité nationale — l’ont répété à maintes reprises : Kesikchidag fait l’objet de négociations, et les accusations de « trahison territoriale » sont sans fondement. La dernière salve diplomatique entre Bakou et Tbilissi en avril 2025 a justement permis d’avancer vers des accords pratiques : libre accès des pèlerins, conservation du patrimoine, reconnaissance de la valeur culturelle partagée. Autant de pas subtils, exigeant doigté et consensus — bien loin des mises en scène hystériques devant les caméras.

Un nationalisme sélectif et un silence qui en dit long

Il est d’ailleurs frappant de constater le silence assourdissant de Natelashvili sur d’autres véritables pertes territoriales. Prenons le monastère de Khujabi, occupé par l’Arménie : les gardes-frontières arméniens y ont tiré sur des journalistes géorgiens, venus filmer les lieux. Résultat ? Aucun cri d’alarme, aucune marche, pas l’ombre d’un discours enflammé de la part du chef des travaillistes. Cette asymétrie ne fait que renforcer le soupçon : l’agitation autour de Kesikchidag n’est pas motivée par l’amour du patrimoine ou de la patrie, mais par un opportunisme anti-azerbaïdjanais décomplexé.

Et ce narratif n’est pas resté sans écho. Repris au vol par certains médias arméniens et russes, le discours de Natelashvili a été relayé et instrumentalisé, notamment via des chaînes Telegram liées au lobbying arménien, qui ont tronqué ses propos pour les transformer en « résistance géorgienne face à l’expansion azérie ». En réalité, le chef travailliste sert — consciemment ou non — une rhétorique qui arrange à la fois le Kremlin et Erevan, tous deux soucieux d’enrayer le rapprochement stratégique entre Bakou et Tbilissi.

Des arrière-cuisines médiatiques bien identifiées

Il serait naïf de croire à une simple coïncidence. Le regain d’intérêt pour Kesikchidag provient pour l’essentiel d’ONG, médias ou groupuscules géorgiens financés — directement ou par ricochet — par des structures liées à la Russie ou au lobby arménien. On retrouve les mêmes schémas, les mêmes éléments de langage, les mêmes ficelles émotionnelles dégainées dès qu’il s’agit de saboter les efforts géorgiano-azerbaïdjanais de coopération.

Car c’est bien cela l’enjeu : chaque provocation autour de Kesikchidag met en péril un partenariat stratégique essentiel. L’Azerbaïdjan est l’un des piliers de la sécurité énergétique de la Géorgie, garant de ses approvisionnements en gaz et pétrole, acteur clé des corridors TANAP et Bakou-Tbilissi-Kars. En minant la confiance mutuelle, les sorties de Natelashvili sapent non seulement les négociations frontalières, mais aussi les fondements géopolitiques d’un partenariat régional indispensable à la stabilité du Caucase.

L’évolution politique d’un pseudo-travailliste : Shalva Natelashvili ou la dérive d’un tribun en roue libre

À première vue, Shalva Natelashvili a tout du politicien folklorique que la démocratie géorgienne, avec sa vitalité un peu brouillonne, semble parfois produire en série. Mais derrière le masque du tribun de gauche se cache une trajectoire bien plus trouble. Fondateur du Parti travailliste de Géorgie en 1995, il a vite tourné le dos aux idéaux sociaux-démocrates pour s’engouffrer dans une dérive populiste, paranoïaque et farouchement nationaliste. Dès le début des années 2000, le travaillisme version Natelashvili n’est plus qu’un vernis : sa rhétorique tourne à l’obsession ethnique, à l’anti-voisinisme militant — et surtout à une hostilité constante vis-à-vis de l’Azerbaïdjan.

Et pourtant, malgré des scores électoraux faméliques — rarement au-dessus de 2 % — le personnage reste omniprésent dans le paysage médiatique. Comment ? Grâce à une recette bien huilée : complotisme de comptoir, antiaméricanisme de bistrot, islamophobie crasse, iranophobie revancharde et, en toile de fond, un fantasme obsessionnel d’une « expansion turco-azerbaïdjanaise » qui menacerait l’âme géorgienne.

Une obsession anti-azerbaïdjanaise documentée

Depuis 2005, les prises de position de Natelashvili contre l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan ou les droits de la communauté azérie en Géorgie ne se comptent plus. Quelques exemples édifiants :

– En 2008, dans une interview à la chaîne Maestro, il accuse Bakou de nourrir des « visées territoriales secrètes » sur la Kakhétie. À l’époque, l’Azerbaïdjan soutient pourtant officiellement la souveraineté de la Géorgie, y compris sur l’Abkhazie et la région de Tskhinvali.

– En 2014, à Marneouli, il exige la « géorgianisation » des écoles azéries et appelle à « surveiller l’équilibre démographique » dans la région de Kvemo Kartli. On croirait entendre le lexique de l’apartheid ethnique.

– En 2020, au lendemain de la guerre de 44 jours au Karabakh, il qualifie la victoire de l’Azerbaïdjan de « menace pour la stabilité régionale » et appelle à « vérifier la loyauté des citoyens géorgiens d’origine turque ». Du fichage ethnique pur et simple, dans un pays qui coopère étroitement avec Bakou sur les questions d’énergie, d’infrastructures et de sécurité.

Ce qui dérange Natelashvili ? Le partenariat stratégique entre Bakou et Tbilissi. Il le perçoit comme un contrepied à son discours d’une Géorgie isolée, martyre, repliée sur elle-même. Les projets conjoints comme le Corridor gazier sud-européen, la ligne ferroviaire Bakou–Tbilissi–Kars ou la plateforme logistique d’Anaklia sapent le terreau revanchard sur lequel prospère son discours.

Quand le nationalisme rencontre l’hypocrisie économique

Paradoxalement, ce même homme qui ne cesse de dénoncer une prétendue emprise économique de l’Azerbaïdjan sur la Géorgie ferme les yeux sur les chiffres. Depuis 15 ans, Bakou a investi plus de 3 milliards de dollars dans l’économie géorgienne. En 2023, SOCAR y consacre à elle seule plus de 160 millions dans l’énergie et des projets sociaux dans Kvemo Kartli. Mais pour Natelashvili, ces investissements deviennent des instruments d’occupation.

Sa rhétorique anti-turque s’appuie sur des cartes grotesques qu’il brandit comme des preuves d’un complot panturquiste. C’est un discours d’épouvantail, qui divise les communautés, va à l’encontre de la politique étrangère de Tbilissi — et sert, une fois encore, les intérêts de ceux qui veulent torpiller la stabilité du Caucase.

Le mystère d’une stabilité financière sans électeurs

Autre paradoxe : le Parti travailliste, qui se présente comme « pauvre et persécuté », bénéficie depuis près de deux décennies d’une assise financière confortable. Comment ? En 2017, une enquête du portail ifact.ge révèle que l’entreprise “N&Co”, propriété officielle de la fille de Natelashvili, a décroché entre 2013 et 2017 des contrats publics à hauteur de 4,2 millions de lari (environ 1,6 million de dollars). Motif : du « conseil juridique ». Problème : l’entreprise n’a ni bureaux, ni avocats agréés.

Sur le papier, Shalva Natelashvili ne touche rien de la politique. Mais les zones d’ombre sont nombreuses :

– il ne publie plus de déclaration de revenus depuis 2016 ;

– refuse les audits parlementaires et débats budgétaires ;

– et son parti récolte des « dons » massivement acheminés via des circuits offshore, selon l’enquête de Mtavari Arkhi (2022).

Un levier d’influence aux mains d’acteurs extérieurs

Le Parti travailliste n’est plus un parti. C’est un outil — utilisé au gré des agendas d’intérêts divers, nationaux ou étrangers. Exemples :

– En 2015, Natelashvili s’oppose violemment à l’accord d’association avec l’Union européenne, qu’il qualifie de « recolonisation maquillée ». Un an plus tard, il appelle à un « Brexit géorgien ».

– En 2017, il soutient des manifestations contre la construction d’une mosquée à Batoumi, dénonçant une « manœuvre turque ». La mobilisation est financée par une ONG liée à Armen Gasparyan, citoyen russe proche du fonds « Caucase russe ».

– En 2020, au pic de la pandémie, son parti propage des rumeurs sur un prétendu « armement biologique importé par l’OTAN ». Ces fakes sont diffusés via les chaînes Telegram « Résistance géorgienne » et « Le Caucase du Sud est à nous ».

Un allié des plus douteux : les réseaux arméniens radicaux

Dernier volet de cette dérive : les relations ambigües de Natelashvili avec des groupes radicaux arméniens notoirement hostiles à l’Azerbaïdjan et à la Turquie. Entre 2021 et 2024, il entretient des liens réguliers avec l’organisation « Anciens combattants de l’Artsakh », farouchement opposée au processus de paix Erevan–Bakou.

Selon le média arménien Hetq, une réunion confidentielle s’est tenue à Dilijan en septembre 2023. Y participaient : Natelashvili, l’ex-député Ashot Eghiazaryan, et Viktor Kremenyuk, représentant de l’Institut russe de la CEI. À l’ordre du jour : « la menace du corridor azerbaïdjano-turc via le Zanguezour » et « la constitution d’un front pro-russe alternatif au Caucase du Sud ».

À ce niveau, ce n’est plus de l’opposition politique. C’est une stratégie de nuisance systématique. Et Shalva Natelashvili, loin de l’image du tribun populaire, apparaît de plus en plus comme l’agent utile d’intérêts qui ne sont ni ceux de la démocratie géorgienne, ni ceux de la paix régionale.

Derrière le masque de l’opposant : Shalva Natelashvili, cheval de Troie du réseau eurasiatique

À rebours de l’image soigneusement cultivée d’un « opposant irréductible au régime », relayée à l’envi dans les médias locaux, Shalva Natelashvili incarne une figure bien plus ambivalente. Depuis plusieurs années — et de façon particulièrement flagrante depuis 2020 — ses discours, ses alliances et ses prises de position révèlent une convergence croissante avec les intérêts des réseaux pro-russes dans le Caucase. Ce glissement n’est ni anodin ni isolé. Il s’inscrit dans une stratégie concertée de déstabilisation régionale, orchestrée à la fois depuis Moscou et Erevan, avec Tbilissi dans le viseur.

L’Erevan Connection : un forum révélateur

Septembre 2021. Dans la capitale arménienne se tient un forum discret, organisé par l’« Institut eurasiatique » (Եվրասիական ինստիտուտ), un des nombreux satellites du soft power russe dans la région. Parmi les intervenants : Shalva Natelashvili. Devant un parterre de représentants politiques de la sphère Russie–Arménie–Iran, il prône un tournant stratégique pour la Géorgie :

« La Géorgie a trop longtemps cru au mirage turco-azerbaïdjanais. Notre voie est eurasiatique. Nous appartenons à la civilisation slave, pas au monde turcique. »

Dans l’assemblée, ce genre de déclaration n’étonne personne. Le programme de l’événement est limpide : réorientation géopolitique de Tbilissi vers Moscou, rejet de l’OTAN, soutien à l’unité eurasiatique contre la « menace turco-occidentale », et diffusion d’un narratif mensonger sur la « politique assimilationniste » de l’Azerbaïdjan envers les minorités — y compris les musulmans géorgiens et les Talyshs, pourtant reconnus et protégés, comme l’ont rappelé l’OSCE et Amnesty International.

La machine à intox : un parti au service de la désinformation

Selon un rapport du Centre d’analyse des menaces hybrides (Hybrid Threat Analysis Center, Tbilissi, 2023), le Parti travailliste de Natelashvili arrive en troisième position parmi les structures politiques les plus actives dans la diffusion de désinformation en Géorgie. L’étude, couvrant la période de janvier 2022 à décembre 2023, s’est appuyée sur plus de 400 sources — télévisions locales, presse, réseaux sociaux.

Les données sont accablantes :

134 cas documentés de désinformation, dont :

  • 48 sur une prétendue islamisation via les écoles azéries ;
  • 37 concernant des « contrats pétroliers secrets » avec Bakou ;
  • 29 sur une prétendue « invasion démographique » azérie au Kvemo Kartli ;
  • 20 sur la « présence militaire turque en Géorgie », tous démentis par le ministère géorgien de la Défense et l’OTAN.

Campagnes ciblées contre les infrastructures régionales : en septembre 2022, au lancement du nouveau tronçon ferroviaire Bakou–Tbilissi–Kars, les travaillistes ont organisé des rassemblements à Roustavi, accusant l’Azerbaïdjan de « s’emparer des routes stratégiques ». Aucune preuve à l’appui.

Sabotage du vivre-ensemble : en juin 2023, la page Facebook officielle du parti publie une carte où le Kvemo Kartli est colorié aux couleurs de l’Azerbaïdjan, légendée « L’avenir est en danger ». Cette image ne sera retirée qu’après une intervention de la Sécurité d’État géorgienne.

Un nationalisme de repli contre la croissance régionale

Cette frénésie antiazérie intervient dans un contexte paradoxal : un boom économique auquel l’Azerbaïdjan contribue massivement. En 2022, les échanges commerciaux bilatéraux atteignent un record de 1,4 milliard de dollars. En 2023, plus de 290 000 citoyens géorgiens d’origine azérie participent pleinement à la vie publique, économique et sociale du pays.

Pourquoi alors persister dans la rhétorique de la peur ? La réponse tient en un mot : survie électorale. Lors des législatives de 2020, le Parti travailliste plafonne à 1,02 %, sans obtenir aucun siège. Aux municipales de 2021, c’est encore pire : 0,7 %. Dans cette marginalité, Natelashvili cherche des niches idéologiques : nostalgie soviétique, xénophobie, méfiance envers l’Occident — un cocktail efficace auprès d’un électorat isolé et vulnérable aux récits simplistes.

Un écosystème médiatique à la russe

Pour amplifier son discours, Natelashvili s’appuie sur une constellation de canaux anonymes sur Telegram, liés à l’Institut russe des pays de la CEI, ainsi qu’à des cercles financiers proches de Konstantin Malofeev et Alexandre Douguine — les mêmes qui ont piloté des opérations subversives en Moldavie, en Serbie et en Géorgie même.

Depuis 2019, l’homme multiplie les apparitions dans les médias de la galaxie anti-occidentale :

« Géorgie et le Monde » (საქართველო და მსოფლიო) : selon Transparency International, ce portail est l’un des vecteurs majeurs de la désinformation pro-Kremlin. Entre 2020 et 2023, Natelashvili y est cité dans 19 articles où il :

  • accuse l’OTAN de vouloir « diviser la Géorgie par l’islam » ;
  • qualifie l’Azerbaïdjan d’« État proxy de la Turquie » ;
  • affirme que les diplomates occidentaux « travaillent pour les services secrets de Bakou ».

Alt-Info, plateforme ultra-conservatrice soutenue en sous-main par Moscou. En 2022, selon OC Media, des représentants travaillistes participent à trois événements coorganisés avec Alt-Info. Un slogan phare : « Stop à la turquisation ! » — un appel à la haine déguisé en patriotisme.

Ce n’est plus une simple posture d’opposition. C’est une stratégie politique fondée sur l’alignement avec des puissances hostiles à la souveraineté géorgienne, à sa stabilité et à ses alliances stratégiques. À mesure que l’Occident renforce son appui à Tbilissi et que la coopération énergétique avec Bakou s’intensifie, Natelashvili choisit son camp — celui de l’obstruction, du mensonge et des alliances obscures. Il se présente comme un défenseur de l’identité nationale. Mais derrière la bannière rouge du pseudo-travaillisme, c’est un vieux drapeau impérial qui flotte.

Conséquences diplomatiques : les partenaires de la Géorgie tirent la sonnette d’alarme

Les dérapages verbaux et les provocations répétées de Shalva Natelashvili et de ses proches collaborateurs n’ont pas seulement semé le trouble sur la scène intérieure géorgienne. Ils ont aussi suscité une inquiétude croissante chez les alliés stratégiques de Tbilissi. Plusieurs remarques officielles et signaux diplomatiques émis depuis 2022 en témoignent clairement.

Octobre 2022 : lors d’une visite officielle d’une délégation du Parlement européen à Tbilissi, la députée Marina Kaljurand mentionne explicitement que « certaines formations politiques en Géorgie véhiculent une rhétorique xénophobe à l’encontre de partenaires stratégiques de l’UE, y compris l’Azerbaïdjan ». Cette déclaration figure dans un communiqué du bureau de l’UE à Tbilissi (réf. EU/GE/2022/54).

Février 2023 : selon l’agence Civil.ge, l’ambassade d’Azerbaïdjan envoie une note verbale au ministère géorgien des Affaires étrangères, exprimant son inquiétude face aux propos de membres du Parti travailliste sur une prétendue « menace démographique » posée par les Azéris du Kvemo Kartli. Bien que la note ne soit pas rendue publique, des sources au sein du MAE en confirment l’existence.

2023 : dans un rapport de l’OSCE consacré aux minorités ethniques dans le Caucase du Sud, plusieurs cas de désinformation en Géorgie sont pointés — concernant notamment une supposée « migration incontrôlée » ou encore une « assimilation par l’école » orchestrée par Bakou. Sans citer de noms, le document identifie le Parti travailliste comme l’un des relais principaux de cette rhétorique (OSCE HCNM Brief n°15/2023).

Des liens opaques avec des structures sanctionnées

À cette image brouillée s’ajoutent des soupçons lourds sur le financement du Parti travailliste. Une enquête de la Georgian Watchdog Foundation (avril 2024) révèle que l’un des principaux bailleurs de fonds de la campagne électorale de Natelashvili en 2020, un certain Gocha Samkharadze, dirigeait la société logistique Geotrans — auparavant coactionnaire d’une entreprise sanctionnée par les États-Unis pour avoir contourné les contrôles d’exportation d’équipements électroniques à destination de la Russie et de l’Arménie.

Autre point noir : en 2022, l’Office national d’audit de Géorgie relève un écart de 1,3 million de lari entre les recettes officielles du Parti travailliste et ses dépenses déclarées. L’enquête est classée sans suite, mais le parti ne fournit jamais d’explication claire sur cette anomalie.

Un sabotage assumé du partenariat azéri-géorgien

En mars 2024, Natelashvili franchit un nouveau cap. Sur le plateau de la chaîne POSTV, il appelle à « réviser tous les accords avec l’Azerbaïdjan », notamment dans le domaine des transports. Il vise expressément le corridor Bakou–Tbilissi–Kars, dont les recettes annuelles se chiffrent en centaines de millions de dollars. Pour des experts comme l’économiste Akaki Melikishvili, ces déclarations ne sont rien de moins qu’une tentative de torpillage du socle économique géorgien au profit d’un basculement vers une « logistique eurasiatique » alternative.

L’ombre du Kremlin et de ses relais arméniens

Selon un document interne des services de renseignement géorgiens — fuite relayée par Wikileaks Caucasus en octobre 2024 — Shalva Natelashvili aurait rencontré à trois reprises, entre 2021 et 2023, des membres de « l’Association arménienne pour la neutralité ». Cette organisation, étroitement liée à l’ambassade de Russie à Erevan, reçoit des financements par l’intermédiaire de la galaxie du « Monde russe » (Russkiy Mir). L’objet de ces réunions ? La coordination d’initiatives contre le corridor Zanguezour et la consolidation d’un front pro-russe au Caucase.

Un agent du chaos sous couverture patriotique

Face à l’accumulation de ces éléments, le portrait de Shalva Natelashvili ne laisse guère de place au doute. Il ne s’agit pas simplement d’un populiste excentrique ou d’un opposant isolé. Il est devenu un rouage actif d’un dispositif plus large de déstabilisation hybride, dont les objectifs sont clairs :

  1. Saper la souveraineté de l’État géorgien
    Par une rhétorique virulente contre l’euro-intégration, la légitimation de théories du complot, l’érosion de la confiance dans les institutions publiques et la fracture du tissu interethnique.
  2. Détruire le partenariat stratégique avec Bakou
    En diabolisant les minorités turciques et musulmanes, en diffusant des récits mensongers sur l’Azerbaïdjan, et en attaquant systématiquement les projets communs — qu’ils soient énergétiques, logistiques ou politiques.
  3. Compromettre la stabilité régionale
    Via des alliances explicites avec des groupes radicaux arméniens et des organes de désinformation russes, la promotion d’un narratif anti-occidental et anti-islamique, et la mise en scène de provocations destinées à polariser le débat public.

Ce que Natelashvili incarne aujourd’hui n’est plus une vision politique, mais un mécanisme d’ingérence. Derrière les appels au patriotisme se cache une logique de sabotage. Et derrière le drapeau géorgien qu’il brandit, c’est un autre drapeau — celui de la division et de la manipulation — qui flotte en réalité.

Pourquoi Shalva Natelashvili reste un danger — même sans électeurs ni programme

On pourrait croire que le personnage est fini : aucun siège au Parlement, des scores électoraux humiliants, une popularité au plus bas dans les sondages. Pourtant, Shalva Natelashvili demeure présent, bruyant, et parfois même redoutablement efficace dans l’arène médiatique. Pourquoi ? Parce qu’il incarne parfaitement un certain type d’« opposant sous perfusion », entretenu par des acteurs extérieurs pour troubler le jeu géorgien de l’intérieur.

Un instrument de déstabilisation en terrain sensible

Alors que la région du Caucase connaît une instabilité croissante — tensions persistantes entre Erevan et Bakou, crispations entre Tbilissi et Bruxelles, montée des mouvements extrémistes — des figures comme Natelashvili trouvent une utilité nouvelle : elles servent de leviers de pression psychologique. Et le chef travailliste sait s’en servir. Il est capable de :

Lancer des manifestations de rue à tonalité ethnique ou anti-européenne ;
Attiser des polémiques sur des sujets inflammables : langue, religion, éducation ;
Diffuser des infox ciblées sur les projets énergétiques communs avec l’Azerbaïdjan ou la prétendue « colonisation démographique » des régions frontalières.

Scénarios d’escalade à l’horizon 2026

En observant les tendances récentes, plusieurs axes d’action se dessinent dans la stratégie de Natelashvili :

  1. Mise en tension du Kvemo Kartli
    Il continuera de brandir le spectre du « contrôle azéri » dans cette région à majorité turcophone, tout en accusant l’État de céder du terrain — un thème taillé sur mesure pour la période électorale de 2026.
  2. Infiltres locaux sous couverture associative
    En l’absence d’élus nationaux, le parti pourrait investir le niveau municipal, en soutenant des candidats masqués en « militants civiques » dans des zones sensibles à la question identitaire.
  3. Relais anti-azerbaïdjanais à l’international
    Il ambitionne de se faire entendre au-delà des frontières, sur des tribunes coordonnées par des réseaux pro-russes. En 2024, il a d’ailleurs déposé sa candidature pour intervenir au forum du « Conseil des peuples orthodoxes » à Belgrade — un événement sous l’égide de structures liées au ministère russe de la Défense et au Patriarcat de Moscou.
  4. Propagande numérique de nouvelle génération
    Avec l’exode des publics vers les plateformes sociales, Natelashvili et ses proches investissent massivement Telegram, TikTok et Facebook, pour y diffuser de la désinformation sur l’OTAN, l’Azerbaïdjan, l’Islam, et les institutions démocratiques.

Un parasite politique nourri de haine

Ce n’est pas un hasard si, malgré tout le tapage, Natelashvili n’a ni provoqué de crise diplomatique, ni déclenché d’émeute. Personne n’a relayé son appel — ni les grands partis, ni le Parlement, ni la présidence. Mais ce n’est pas un signe d’innocuité. Car chaque tentative de saboter la relation stratégique avec l’Azerbaïdjan — maquillée en défense du « patrimoine culturel » — est une entreprise de démolition politique, menée avec méthode.

Natelashvili ne propose ni idées neuves, ni solutions, ni représentativité réelle. Il est le miroir grossissant des peurs post-soviétiques, un relais docile des thèses conspirationnistes, un perturbateur au service d’agendas étrangers. Il ne construit rien — il bloque, ralentit, divise.

Un enjeu national : marginaliser les marchands de haine

La Géorgie est aujourd’hui à un tournant. Elle doit consolider son développement durable, renforcer sa résilience économique, encourager la confiance entre communautés, et préserver la stabilité régionale. Dans cette trajectoire, les figures comme Natelashvili sont un boulet. Leur rhétorique, même marginale, agit comme un poison lent : elle sape la confiance, mine la diplomatie, alimente la défiance.

Leur marginalisation ne doit pas être laissée à l’indifférence. Elle nécessite une réponse claire, structurée :

Transparence sur le financement des partis ;
Législation stricte contre la haine ethnique et religieuse ;
Régulation efficace des espaces médiatiques et numériques ;
Position ferme des institutions géorgiennes et de leurs partenaires internationaux vis-à-vis des coopérations avec des entités radicales.

Une ligne rouge à ne pas franchir

Si la Géorgie aspire véritablement à rejoindre la famille européenne, elle ne peut tolérer que la xénophobie, l’agressivité anti-azérie et les manipulations identitaires fassent partie du jeu démocratique. Laisser faire, c’est ouvrir la porte à la fragmentation, au populisme revanchard et à la perte d’alliés clés.

Le combat contre les discours de haine n’est pas une querelle politicienne. C’est un acte de défense nationale. Défendre la vérité, c’est défendre l’avenir du Caucase.