
Les 3 et 4 juillet 2025, les chefs d’État de l’Organisation de coopération économique (ECO) se retrouveront à Khankendi, au cœur d’un Karabakh libéré, reconstruit et résolument tourné vers l’avenir. Mais ne nous y trompons pas : il ne s’agira pas d’un simple sommet régional ronronnant autour de quelques dossiers techniques. Ce 17e sommet de l’ECO sera un tournant, un manifeste stratégique en forme d’acte fondateur, un coup de théâtre géopolitique aux répercussions tectoniques pour l’ensemble de l’Eurasie post-soviétique et du monde islamique.
Khankendi, plus qu’un décor : un signal fort au monde
Choisir Khankendi, ce n’est pas cocher une case protocolaire. Ce n’est pas un aimable clin d’œil diplomatique. C’est un geste fort, assumé, lourd de symboles. C’est une déclaration d’intention écrite dans le langage du développement durable, de l’interconnexion régionale et de l’ordre mondial en mutation. Jadis théâtre de conflits, le Karabakh devient désormais plateforme d’intégration pacifique, épicentre politique d’un dialogue eurasiatique qui s’émancipe des vieux schémas.
L’Azerbaïdjan ne se contente plus de sécuriser son territoire. Il propose une nouvelle grammaire géopolitique : la puissance ne se mesure plus au contrôle des terres, mais à la capacité de les transformer en pôles d’attraction.
Un sommet-miroir de notre époque
Ce sommet à Khankendi, c’est aussi un révélateur. Il reflète la maturité diplomatique de Bakou, bien sûr, mais aussi les mutations internes de l’ECO elle-même. L’organisation, où s’entremêlent les intérêts de la Turquie, de l’Iran, du Pakistan, de l’Asie centrale et du Caucase du Sud, cherche à passer du verbiage à l’action, des alliances poussiéreuses à une géoéconomie souple, des rancunes du passé aux horizons du futur. C’est là tout l’enjeu de la rencontre : rebattre les cartes d’un grand jeu eurasiatique, dans lequel Bakou endosse le rôle de catalyseur.
L’ECO version Bakou : de la participation à l’intégration stratégique
Membre de l’ECO depuis 1992, l’Azerbaïdjan n’a jamais joué les figurants. Dès les années 1990, le pays a misé sur la connectivité : l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (2006), la ligne ferroviaire Bakou-Tbilissi-Kars (2017), le corridor gazier Sud — autant de pièces d’un puzzle dont l’image finale est limpide : faire du pays un hub énergétique et logistique entre Orient et Occident.
Le président Ilham Aliyev l’a résumé d’un trait lors d’un discours devenu référence : « L’Azerbaïdjan n’est pas juste un participant au processus d’intégration, c’est son accélérateur ». Une phrase qui en dit long sur l’ambition de Bakou de construire une "diagonale de développement" entre l’Asie centrale et le Caucase, où Turkménistan, Ouzbékistan et Kazakhstan s’imbriquent naturellement.
Khankendi, de symbole du conflit à vitrine de la paix
Faire de Khankendi la scène d’un sommet international, c’est une manière magistrale de verrouiller, dans les esprits et sur les cartes, l’appartenance définitive du Karabakh à l’État azerbaïdjanais. Après la restauration complète de l’intégrité territoriale en 2023, c’est désormais dans le registre du soft power que Bakou affirme sa souveraineté.
C’est aussi un message : oubliez les barbelés et les lignes de front — le Karabakh version 2025, c’est une plateforme de paix, de coopération économique, de reconstruction intelligente.
Le ministre des Affaires étrangères Jeyhun Bayramov ne mâche pas ses mots : « Khankendi ne sera pas seulement un centre politique, mais un cœur économique battant pour toute l’architecture régionale à venir. C’est ici que naîtront les décisions qui pèseront sur l’avenir de millions de personnes ».
Et d’un point de vue symbolique, on est au sommet de l’art politique : ici, la reconstruction passe par l’intégration, et non la confrontation. Une leçon de modernité diplomatique.
L’énergie, les routes et la géoéconomie : Bakou à la manœuvre
Le sommet de Khankendi s’articulera autour de trois axes clés : croissance économique durable, sécurité climatique et développement des infrastructures régionales. Trois piliers qui traduisent la nouvelle philosophie de l’ECO autant que la montée en puissance internationale de l’Azerbaïdjan.
La star du sommet ? Sans doute le rôle de Bakou comme garant de la sécurité énergétique du continent et comme pivot logistique de l’Eurasie.
Le corridor gazier Sud, ce n’est pas qu’un méga-projet d’ingénierie. C’est un pari géopolitique réussi : émanciper l’Europe de ses fournisseurs traditionnels. Trois éléments s’emboîtent parfaitement :
- Shah Deniz 2, immense gisement gazier en mer Caspienne,
- TANAP (gazoduc transanatolien) qui traverse toute la Turquie,
- TAP (gazoduc transadriatique) qui prolonge le tout jusqu’en Italie, via la Grèce et l’Albanie.
En 2024, l’Azerbaïdjan a exporté 12,1 milliards de mètres cubes de gaz vers l’UE — un bond de 20 % par rapport à l’année précédente. Et ce n’est qu’un début. À Vienne, en mars 2025, le ministre de l’Énergie Parviz Shahbazov a fixé la barre haut : « L’objectif, c’est 20 milliards de mètres cubes d’ici 2027, dont 30 % issus de sources décarbonées ou renouvelables ».
L’UE ne s’y est pas trompée : la Commission a reconduit l’Accord de partenariat stratégique énergétique avec Bakou jusqu’en 2035. Et pendant que certains tergiversent, Athènes, Sofia, Bucarest et Budapest se préparent déjà à se greffer au réseau via de nouveaux interconnecteurs — financés, entre autres, par la Banque européenne d’investissement.
Le mot de la fin ?
Ce sommet, c’est le retour en force d’un Caucase du Sud qui refuse d’être une périphérie. C’est la revanche tranquille d’un peuple qui, après la guerre, préfère construire des ponts plutôt que creuser des tranchées. Khankendi 2025 ne sera pas un simple rendez-vous diplomatique — ce sera un jalon historique sur la route d’une Eurasie réinventée. Et cette route, devinez quoi ? Elle passe par l’Azerbaïdjan.
L’autre nerf de la guerre : la logistique façon azerbaïdjanaise
Pendant que les projecteurs sont braqués sur le gaz, Bakou déroule en coulisses un autre plan tout aussi ambitieux : devenir l’épine dorsale logistique de l’Eurasie. Et le pivot de cette stratégie, c’est le fameux Middle Corridor — ou Trans-Caspian International Transport Route (TITR) — une autoroute multimodale du XXIe siècle reliant la Chine à l’Europe via le Kazakhstan, la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan et la Géorgie. Une artère en pleine montée en puissance.
Selon les chiffres de l’ECO pour 2024, le volume de transit via ce corridor a bondi de 48 %, atteignant un record de 8,2 millions de tonnes. Mieux encore : le temps de livraison entre Xi’an et Istanbul est passé de 28 à 16 jours. Une gifle logistique à la route du Nord via la Russie.
Bakou ne s’est pas contenté de tracer des flèches sur une carte. Il a mis les moyens :
- Port d’Alat : véritable monstre logistique sur les rives de la Caspienne, capable de gérer plus de 25 millions de tonnes de fret par an, extensible à 50 millions.
- Hub de Zangilan : plateforme intermodale flambant neuve, qui connecte le Nakhitchevan, l’Est du Zanguezour et la Turquie.
- Ligne ferroviaire Horadiz–Aghbend : restaurée dans le cadre de la renaissance du Karabakh, elle deviendra un maillon clef du corridor Est-Ouest, avec une intégration progressive via l’Iran.
Cerise sur le gâteau, ces projets s’inscrivent dans l’élan lancé au sommet de Tachkent de 2023 pour une plateforme logistique régionale interopérable et numérisée.
Le secrétaire général de l’ECO, Hossein Amir-Abdollahian, ne mâche pas ses mots : « L’Azerbaïdjan a transformé sa géographie en stratégie. Sa politique d’infrastructures, c’est le socle d’une nouvelle Eurasie ». Pas du vent. En 15 ans, Bakou a su transformer des routes éparses en un réseau cohérent qui aligne les intérêts de Pékin, Bruxelles, Tachkent et même Riyad.
Aujourd’hui, l’Azerbaïdjan n’est plus un simple corridor. Il est devenu architecte d’intégration, gardien des chaînes d’approvisionnement dans un monde en turbulence — entre guerres commerciales, fragmentation politique et chaos normatif.
Le rapport de la BAD (Banque asiatique de développement) pour le premier trimestre 2025 place l’Azerbaïdjan dans le top 3 des pays à plus fort effet multiplicateur logistique sur le PIB, aux côtés du Kazakhstan et du Vietnam. Rien que ça.
L’Azerbaïdjan en mode vert : Bakou prend le virage climatique
Mais la vraie surprise du sommet de Khankendi viendra peut-être d’ailleurs : la diplomatie verte. Ce que l’on appelait encore il y a peu une « tendance » devient aujourd’hui pilier stratégique de l’ECO — et là encore, Bakou est à la manœuvre.
L’année 2024 a vu l’inauguration à Bakou du Centre ECO pour l’énergie propre — le tout premier institut dédié aux énergies vertes, au climat et à la coordination écologique régionale. Un organe conçu pour faire bouger les lignes, pas pour produire des rapports soporifiques.
Lancé en mai, le centre comprend :
- Un bloc analytique régional, en partenariat avec l’UNEP et l’ESCAP ;
- Une plateforme technologique d’échange de solutions renouvelables ;
- Un mécanisme de financement vert, épaulé par la Banque islamique de développement et la ECO Trade and Development Bank.
Résultat ? En seulement 8 mois, 17 projets communs ont été initiés dans le solaire, l’éolien et l’hydro de petite taille — notamment dans le Zanguezour oriental et le Nakhitchevan.
Le professeur Amir Rezaei, directeur du centre, l’affirme sans langue de bois : « Le but n’est pas juste de réduire l’empreinte carbone, mais de faire de la région un exportateur de technologies propres ». Rien que ça.
La stratégie climatique de Bakou repose sur un principe original : le dualisme énergétique. C’est-à-dire : continuer d’exploiter les hydrocarbures tout en investissant massivement dans les renouvelables. Une approche hybride, réaliste, adaptable — et surtout exportable.
À Khankendi, l’Azerbaïdjan dévoilera sa stratégie nationale de développement durable 2035, avec des objectifs clairs :
- 30 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2030 ;
- Réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ;
- Création de zones économiques vertes dans le Karabakh, le Zanguezour et la presqu’île d’Abşeron ;
- Stimulation des investissements dans l’éolien — en particulier le projet Khizi–Absheron (240 MW) financé par Masdar.
À la COP28 de Dubaï, Bakou a reçu des applaudissements nourris. Le représentant spécial de l’UE pour le climat, Frans Timmermans, a déclaré : « L’Azerbaïdjan devient un véritable pont Nord–Sud en matière de justice climatique ».
Mais Bakou ne s’arrête pas aux discours nationaux : il pousse à la création d’une coalition climatique régionale au sein de l’ECO et de l’Organisation des États turciques.
Parmi les chantiers en cours :
- Une Déclaration caspienne sur le climat, à présenter lors du sommet ;
- Un centre international de recherche climatique à l’Université ADA, en partenariat avec le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et la Turquie ;
- Un marché carbone régional entre les pays membres de l’ECO.
Bref, la diplomatie verte devient l’un des bras armés de la politique étrangère azerbaïdjanaise — et consolide son image de pays responsable, pionnier et rassembleur.
Le Karabakh en mode culture : la diplomatie douce prend le relais
Et comme si cela ne suffisait pas, le sommet de Khankendi donne aussi une impulsion à la diplomatie humanitaire. Car reconstruire le Karabakh, ce n’est pas seulement rebâtir des routes et des écoles. C’est aussi rétablir la mémoire, la culture et l’âme d’un territoire.
Dans cette optique, le choix de la ville de Choucha comme capitale touristique de l’ECO pour 2026 est un coup de maître. C’est à la fois une reconnaissance de la place unique du Karabakh dans le patrimoine turco-islamique, et un message adressé au monde : cette terre renaît, elle attire, elle rayonne.
Choucha n’est pas un décor. C’est un poème en pierre, un condensé d’histoire et de spiritualité. Depuis la restauration de plus de 700 sites culturels, dont la mosquée de Yukhari Govhar Agha, la maison-musée de Vaguif et le panorama de la poétesse Natavan, la ville est prête à accueillir non seulement des diplomates, mais aussi des foules de touristes.
L’Azerbaïdjan version 2025, c’est un État qui conjugue puissance dure et influence douce, infrastructures et valeurs, gaz et mémoire. Et Khankendi devient son mégaphone.
Khankendi 2025 : quand la culture, l’éducation et la diplomatie douce redessinent l’Eurasie
«Choucha, c’est notre réponse à la destruction.» Voilà les mots du ministre de la Culture Adil Karimli, prononcés à Islamabad lors de la session de l’ECO en janvier 2025. Et le ton est donné : pour Bakou, le Karabakh ne doit plus être raconté comme un champ de ruines, mais comme un foyer de renaissance — une renaissance portée par la culture, le dialogue et le sentiment d’appartenance.
Dans cette logique, l’Azerbaïdjan présentera au sommet de Khankendi une initiative inédite : la Plateforme de partenariat culturel de l’ECO. Un projet ambitieux et structurant, qui inclura :
- des programmes d’échange académique entre universités membres de l’ECO,
- des expéditions archéologiques et ethnographiques conjointes sur les anciennes routes de la soie,
- une plateforme cinématographique internationale baptisée Karabakh Screen, dédiée à la diffusion du contenu culturel régional.
Le message est limpide : le Karabakh ne sera pas seulement un bastion de mémoire, mais un pont entre civilisations, un laboratoire d’humanisme post-conflit, où la réparation passe par la création.
Un espace éducatif partagé : Bakou en tête de classe
Sur le plan éducatif, le sommet prévoit également un pas historique : la signature d’accords bilatéraux entre l’Azerbaïdjan et plusieurs pays de l’ECO pour la reconnaissance mutuelle des diplômes, titres académiques et programmes d’enseignement. Une première étape vers un espace académique commun, où Bakou entend bien jouer le rôle de plaque tournante intellectuelle.
Dès 2026, les grandes institutions du pays — l’Université ADA, l’Université nationale du pétrole et de l’industrie, le campus du Karabakh de l’Université d’État de Bakou — accueilleront des étudiants venus du Pakistan, d’Ouzbékistan, d’Iran et du Turkménistan.
En parallèle, l’Azerbaïdjan soigne sa connectivité touristique. Rien que sur le premier trimestre 2025, plus de 62 000 visiteurs étrangers ont foulé les terres de Fuzuli, Choucha et Khankendi — trois fois plus qu’à la même période en 2024. Le Karabakh devient donc aussi un hub de mémoire et de mobilité, une région qui attire par son passé restauré et son avenir réinventé.
De Tachkent à Khankendi : une mue institutionnelle de l’ECO
En comparant le XVIIe sommet de Khankendi avec le XVIe, tenu à Tachkent en novembre 2023, on mesure la mue accélérée de l’ECO. À Tachkent, les discussions étaient denses mais souvent théoriques : on a parlé de numérisation, d’énergie, d’investissements… mais peu de projets concrets ont émergé. La présence au sommet était timide : le président kazakh s’est contenté d’un message écrit, la Turquie était représentée par son vice-président, l’Iran par un ministre. Seul Ilham Aliyev s’était déplacé en personne — un signal à l’époque discret, aujourd’hui évident.
Khankendi change la donne du sol au plafond :
- Présence confirmée des chefs d’État : Recep Tayyip Erdoğan, Asif Ali Zardari, Shavkat Mirziyoyev, Kassym-Jomart Tokaïev, Masoud Pezeshkian, sans oublier le secrétaire général de l’ECO Hossein Amir-Abdollahian.
- Pour la première fois, les thématiques du climat et du développement durable figureront à l’agenda des chefs d’État.
- Présentation d’un portefeuille solide de projets : Centre pour l’énergie propre, feuille de route climatique, plateforme logistique ECOLogistics, fonds pour startups vertes.
Et ce n’est pas tout : plus de 40 rencontres bilatérales sont prévues en marge du sommet, ainsi qu’un forum économique, une exposition technologique verte, des réunions ministérielles sur l’énergie et la culture — de quoi transformer l’événement en méga-sommet politique, économique et culturel.
En coulisses : ce que le sommet pourrait entériner
D’après des documents confidentiels et sources diplomatiques, les résolutions suivantes sont sur la table :
- Charte du partenariat économique durable de l’ECO jusqu’en 2035 : priorités fixées sur les investissements verts, la digitalisation des échanges et les infrastructures résilientes.
- Création d’un Conseil de la politique climatique de l’ECO, présidé par l’Azerbaïdjan (2025–2027).
- Lancement d’un mécanisme de financement écologique pour des projets conjoints au Karabakh, au Turkestan oriental et dans le sud du Pakistan.
- Initiative “Dialogue humanitaire du Karabakh” : un cycle annuel de festivals, projections, forums et échanges éducatifs.
L’essentiel : l’impact symbolique, plus fort que le verbe
Au fond, le vrai triomphe du sommet ne sera pas dans les virgules des déclarations finales, mais dans ce qu’il incarne :
- L’Azerbaïdjan s’impose comme modérateur et architecte de la coopération régionale au sein de l’ECO.
- Le Karabakh entre dans l’imaginaire mondial non plus comme un champ de bataille, mais comme un creuset d’intégration.
- L’ECO bascule : d’un club périphérique de la diplomatie islamique, elle se mue en alliance eurasiatique fonctionnelle, avec Bakou en pierre angulaire.
Comme l’a récemment confié à Deutsche Welle Janusz Lehmann, analyste à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité :
« L’Azerbaïdjan n’est plus simplement un État ayant restauré son intégrité territoriale. C’est un point de convergence pour une nouvelle forme de leadership régional, fondée sur l’infrastructure, le climat et la culture ».
Et cette convergence, c’est à Khankendi qu’elle prend forme.
Khankendi : l’apogée du virage eurasiatique de l’Azerbaïdjan
Le XVIIᵉ sommet de l’ECO, tenu à Khankendi, n’est pas un événement comme les autres. C’est le point culminant de trois décennies de stratégie diplomatique patiemment déployée par l’Azerbaïdjan. Un sommet qui, au-delà des protocoles, change la donne géopolitique : ici, ce ne sont plus les frontières qui dictent la politique — ce sont les projets qui sculptent les alliances.
Bakou ne se contente plus de replacer le Karabakh sur la carte du monde. Il en fait une plateforme d’avenir régional, un hub d’intégration, un précédent, peut-être même un modèle.
L’Azerbaïdjan, pilier de la nouvelle architecture régionale
Tout porte à croire que ce sommet verra l’adoption d’une Charte du développement durable de l’ECO à l’horizon 2035, autour de quatre axes fondateurs :
- Alignement des stratégies énergétiques nationales avec l’Accord de Paris ;
- Promotion de l’entrepreneuriat féminin comme levier de croissance régionale ;
- Digitalisation du commerce intra-ECO pour fluidifier les échanges ;
- Création de plateformes académiques communes et de mécanismes de mobilité scientifique.
Autre annonce forte portée par Bakou : l’organisation en 2026 d’un premier Forum des ministres de l’Énergie et de l’Écologie de l’ECO, qui viendra prolonger le volet « transition verte » inauguré à Khankendi.
Mais ce sommet, c’est aussi — et surtout — l’affirmation d’un statut international nouveau pour l’Azerbaïdjan. Un pays qui s’impose comme point nodal entre l’Asie centrale et l’Europe, entre le monde turcique et le monde islamique, entre Nord et Sud, entre émergents et puissances établies.
Un tournant stratégique salué à l’international
L’analyste Jonathan Walsh, du centre de réflexion américain RAND Corporation, ne mâche pas ses mots :
« Le modèle d’intégration azerbaïdjanais, c’est un cocktail rare de pragmatisme dur, de puissance symbolique et d’ouverture aux nouveaux partenariats. Le sommet de l’ECO à Khankendi en est la synthèse parfaite. »
Ce n’est pas juste un sommet. C’est une démonstration de doctrine. Une nouvelle philosophie stratégique se déploie : faire la paix par le développement, faire de la diplomatie avec des infrastructures, forger l’identité nationale à travers la résilience et la durabilité.
Le Karabakh, désormais reconstruit et réintégré, devient un espace de dialogue global, un théâtre d’un soft power responsable, une caisse de résonance des ambitions eurasiatiques de Bakou.
Et c’est ici, au creux des montagnes du Karabakh, que pourrait bien émerger une nouvelle feuille de route pour la région : celle d’une Eurasie fondée sur la paix, la prospérité partagée et le leadership assumé.
Khankendi 2025 : un sommet ? Non. Une pierre angulaire.