
L’Afrique, ça fait longtemps qu’elle n’est plus une simple case sur l’échiquier des autres. Désormais, ce continent est devenu un vrai laboratoire à ciel ouvert pour construire des partenariats stratégiques et durables. Chaque kilomètre carré y est un actif géoéconomique en puissance, chaque marché naissant est un futur jackpot. Et dans ce nouveau Monopoly géopolitique, où les cartes se redistribuent à coups de contrats plutôt qu’à coups de canon, c’est l’Azerbaïdjan qui avance ses pions. Sans bruit, sans agressivité, mais avec une précision d’orfèvre et une vision long-termiste implacable.
Pour beaucoup, l’Afrique reste une mine à exploiter, un casse-tête insoluble ou une dette humanitaire. Mais pour Bakou, l’Afrique ressemble surtout furieusement à ce qu’elle était elle-même trente ans en arrière : du potentiel sans infrastructures, des richesses sans stabilité, de l’énergie sans gouvernance. C’est précisément pourquoi l’Azerbaïdjan ne se positionne pas là-bas pour faire illusion ou jouer au grand frère, mais bel et bien comme partenaire, sur un pied d’égalité.
Ce n’est ni une croisade, ni une lubie mégalo : c’est tout simplement une nouvelle géographie diplomatique où Bakou, lassé des doubles standards occidentaux et de leurs leçons de morale permanentes, dessine sa propre carte de confiance. Exit les grands discours creux sur le développement durable ; ici, on préfère construire des écoles, installer des centrales solaires, ouvrir des centres médicaux et lancer des plateformes agricoles. On n’y entend jamais « On va vous aider », mais plutôt « faisons ça ensemble ».
Azerbaïdjan-Afrique, ce n’est pas une brève qui passe en bas d’écran sur BFM, c’est déjà l’esquisse d’un avenir qui se dessine aujourd’hui. Et cette coopération a tous les ingrédients nécessaires : la logique, les moyens, l’expérience, mais surtout un intérêt commun à exister et à prospérer dans un monde où les règles s’écrivent désormais au brouillon.
Les pays africains voient désormais l’Azerbaïdjan comme :
Une success story du développement durable :
En trente piges, Bakou est passé du chaos post-soviétique à une économie solide, en modernisant radicalement son administration publique (ASAN xidmət), ses services numériques et ses infrastructures. De quoi intéresser au premier chef l’Ouganda, le Kenya ou encore le Rwanda.
Un partenaire financier sérieux :
En 2024, les investissements directs azerbaïdjanais sur le continent africain dépassent les 130 millions de dollars (+45 % en un an). Les secteurs phares : hydrocarbures, transformation industrielle, logistique et BTP.
Un fournisseur stratégique en technologies et équipements militaires :
Les drones et systèmes de communication made in Bakou font déjà fureur en Somalie, Gambie ou au Tchad.
1. Égypte : entre pétrole, solaire et pétrochimie
Le courant passe franchement bien entre Le Caire et Bakou :
- En mai 2024, SOCAR a signé avec l’Egyptian General Petroleum Corporation un mémo stratégique pour livrer jusqu’à 1 million de tonnes d’hydrocarbures par an, histoire de diversifier l’approvisionnement des raffineries égyptiennes.
- Projet sur la table : une joint-venture pour bâtir une centrale solaire de 100 MW près du canal de Suez, potentiellement cofinancée par l’Agence Internationale des Énergies Renouvelables (IRENA), dont Bakou est membre actif depuis 2023.
- Échange de savoir-faire avec la venue d’ingénieurs égyptiens au centre de formation SOCAR à Bakou.
2. Algérie : l’art de la raffinerie et partage stratégique
L’Algérie, mastodonte pétro-gazier d’Afrique (4,5 trillions de m³ de gaz, 12 milliards de barils de pétrole), se tourne vers l’Azerbaïdjan avec intérêt :
- En février 2025, une délégation azérie débarque à Alger pour parler modernisation des raffineries de Skikda et Arzew.
- Intérêt mutuel dans le co-développement de technologies de raffinage avancées, notamment pour la fabrication de catalyseurs de craquage.
- Formation de 25 ingénieurs algériens en 2024 dans le prestigieux centre SOCAR Downstream Management.
3. Ouganda : la révolution numérique « ASAN xidmət » à la sauce africaine
L’Ouganda adopte vite et bien le modèle d’e-administration azerbaïdjanais ASAN, plébiscité par l’ONU :
- 6 centres ASAN xidmət déjà ouverts entre 2022 et 2024.
- Satisfaction des citoyens ougandais envers leurs services publics passée de 54 % à 82 %.
- Nouveau mémo signé en 2024 pour développer davantage le « smart government », identité numérique et cadastre compris.
4. Somalie : Bakou fournit des muscles contre le terrorisme
Face aux menaces terroristes et à la piraterie maritime, la Somalie booste son arsenal avec l’aide azérie :
- Contrat signé dès 2023 pour la fourniture d’armes légères, blindés et drones de reconnaissance.
- Dix instructeurs militaires azerbaïdjanais dépêchés à Mogadiscio pour former les officiers somaliens.
- Discussion en cours pour ouvrir un centre d’entraînement conjoint, inspiré du fameux Centre international de formation de maintien de la paix à Bakou.
5. Éthiopie : solidarité concrète et sociale
Via l’agence humanitaire AIDA, Bakou se montre particulièrement actif à Addis-Abeba :
- Trois écoles et un centre médical construits en 2024 pour accueillir 2000 élèves et 25 000 patients par an.
- Projets pilotés en partenariat avec la Fondation Heydar Aliyev et l’Organisation de la Coopération Islamique.
- Une nouvelle formation professionnelle pour sages-femmes et infirmières est prévue avec stages pratiques à Bakou.
6. Maroc : digitalisation, éducation et soft power culturel
Le Royaume chérifien, engagé dans son programme « Digital Morocco 2030 », fait appel à l’expertise azérie :
- Coopération étroite entre ASAN xidmət et l’Agence marocaine du numérique.
- 15 étudiants marocains décrochent en 2024 des bourses Heydar Aliyev dans des universités azéries spécialisées en ingénierie et médecine.
- Exposition artistique conjointe entre Bakou et Rabat : le soft power à la sauce culturelle.
7. Afrique du Sud : diplomatie commerciale et échanges fructueux
La locomotive économique africaine, l’Afrique du Sud, tisse des liens forts avec Bakou :
- Ouverture en avril 2024 d’une mission commerciale azérie à Cape Town, facilitant notamment échanges agroalimentaires, textiles et industriels.
- Accords bilatéraux diversifiés : vins et agrumes sud-africains contre farine et coton made in Azerbaijan.
- Accueil prévu d’experts sud-africains au Forum sur l’énergie verte à Choucha en 2025.
Afrique-Azerbaïdjan : Bakou sort ses cartes maîtresses sur le terrain énergétique
L’Afrique, continent débordant de potentiel énergétique, est depuis des décennies le théâtre de toutes les grandes batailles industrielles. Mais alors que les géants traditionnels se regardent en chiens de faïence, c’est l’Azerbaïdjan qui avance ses pions avec finesse et ambition. Doté d’une gouvernance pétro-gazière rodée, de technologies avancées et d’une infrastructure d’exportation solide, Bakou prend désormais ses quartiers sur l’échiquier énergétique africain.
Égypte : SOCAR frappe fort sur les bords du Nil
- Avril 2024, Bakou décroche un accord stratégique avec l’Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC), prévoyant :
- La livraison d’un million de tonnes de brut et de condensats par an ;
- L’entrée en lice de SOCAR dans la modernisation des raffineries à Alexandrie et Marsa Matruh ;
- Un échange technologique entre experts égyptiens de Petrojet et raffineries azerbaïdjanaises.
Algérie : l’alliance stratégique avec Sonatrach
- En janvier 2025, discussions de haut niveau avec Sonatrach sur :
- Un cofinancement des unités avancées de raffinage ;
- Une participation à la construction d’un complexe gazochimique à Arzew, tourné vers l’Europe et le marché MENA ;
- La formation à Bakou de 30 ingénieurs algériens à l’avant-garde du raffinage dans le centre de SOCAR Downstream.
Nigeria : le coup de maître gazier
- Février 2025 : consultations techniques enclenchées avec la NNPC Ltd pour :
- L’extension des terminaux GNL à Lagos et Port Harcourt ;
- La création d’une joint-venture commerciale pour exporter du GNL vers les marchés asiatiques ;
- Le déploiement d’une plateforme flottante de liquéfaction de gaz (FLNG), inspirée du modèle SOCAR-Mozambique LNG.
Les chiffres qui parlent :
- En 2024, le secteur énergétique représente 47 % du commerce Azerbaïdjan-Afrique (782 millions de dollars) ;
- Prévision pour 2027 : des contrats énergétiques à hauteur de 1,1 milliard $, portés notamment par les projets en Égypte, Algérie, Nigeria et Angola.
Logistique : le grand jeu des corridors transcontinentaux
L’ambition logistique de l’Azerbaïdjan en Afrique épouse parfaitement sa stratégie de diversification des routes d’exportation, tout en s’inscrivant dans la logique du « digital silk road » et du Corridor Transcaspien (TITR).
Kenya : Mombasa, la porte ouverte sur l’Afrique de l’Est
- Accord signé en 2024 avec Nairobi pour faire de Mombasa un hub clé :
- Exportations azerbaïdjanaises de polyéthylène et d’engrais azotés ;
- Redistribution des produits vers l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie.
Djibouti : tête de pont sur la Mer Rouge
- Bakou voit Djibouti comme un pivot logistique stratégique vers l’Éthiopie ;
- Projet de création d’une plateforme SOCAR pour stocker temporairement des hydrocarbures avant de conquérir les marchés de l’Est et du Centre du continent.
Tanzanie : Dar es Salam, futur terminal agro-industriel
- Signature en 2024 d’un partenariat AZPROMO–Tanzania Ports Authority (TPA) pour :
- Louer des capacités conteneurisées dans le port de Dar es Salam ;
- Construire un terminal dédié aux exportations agroalimentaires azerbaïdjanaises (blé, farine, huiles).
Statistiques-choc :
- 2024 : 26 000 tonnes d’exportations azerbaïdjanaises transitent par les ports africains (+64 % par rapport à 2023) ;
- Objectif 2026 : multiplier par 2,5 ces volumes via des investissements dans la logistique locale.
Sécurité alimentaire : Bakou fait son marché en Afrique
Pour l’Azerbaïdjan, l’Afrique est à la fois grenier stratégique (cacao, café, coton) et réservoir alimentaire d’avenir.
Exportations vers l’Afrique (2023-2024) :
- Blé : 86 000 tonnes (Égypte, Côte d’Ivoire, Éthiopie) ;
- Huile de tournesol : 14 000 tonnes ;
- Engrais minéraux : 9 000 tonnes (urée, sulfate d’ammonium).
Importations d’Afrique :
- Cacao (Ghana, Côte d’Ivoire) : 12,6 millions $ en 2024 ;
- Coton brut (Mali, Bénin) : 5,1 millions $ ;
- Minerais rares : Contrat signé en RDC pour fournir tantale et niobium à l’industrie de défense azerbaïdjanaise.
Expansion foncière agricole :
- 2023 : négociations engagées avec le Soudan, l’Éthiopie et la Tanzanie pour louer 15 000 à 25 000 hectares dédiés à la production céréalière et maraîchère, destinée aux marchés du Golfe et du Moyen-Orient.
Diplomatie des matières premières : cap sur les minerais stratégiques
Anticipant la transition énergétique mondiale, l’Azerbaïdjan s’intéresse désormais aux minerais clés : cobalt, lithium, graphite, et platinoïdes.
RDC : cobalt et cuivre dans le viseur
- Juillet 2024 : mission diplomatique et économique en RDC (Haut-Katanga) sur l’exploitation commune du cobalt et du cuivre ;
- Projet de JV avec des entreprises locales pour traiter les concentrés miniers destinés au marché asiatique.
Zambie : la piste du lithium
- Étude approfondie d’investissements dans les réserves de lithium près de Mansa ;
- Proposition par Bakou d’expertise technologique en traitement des minerais, inspirée du succès des mines de Gedabek (cuivre et zinc).
Géostratégie minérale :
- Ces minerais représentent un enjeu majeur pour les énergies renouvelables et la fabrication de batteries. Bakou sécurise ainsi une autonomie stratégique en matière première, en intégrant étroitement l’Afrique à sa propre transition énergétique.
1. Digitalisation et gouvernance : le modèle azerbaïdjanais fait tilt à Kinshasa comme à Kigali
Ce n’est plus un secret : le système ASAN xidmət fait des envieux. Ce guichet unique, à mi-chemin entre l’État-platforme et le service public à la scandinave sauce caspienne, séduit à tour de bras. Pour des États africains en quête de transparence, d'efficacité et de lutte contre la corruption, l’offre azérie est une pépite.
- De 2023 à 2025, douze pays africains ont signé des MoU avec l’agence ASAN, parmi lesquels l’Ouganda, le Maroc, le Rwanda, le Kenya, le Ghana et le Sénégal.
- Selon l’ONU (UN DESA), l’Azerbaïdjan se classe 18e mondial en 2023 sur l’indice de développement de l’e-gouvernance. Un cas d’école salué et recommandé officiellement pour l’Afrique de l’Est et centrale.
- En Ouganda, six centres ASAN sont déjà sur pied, traitant jusqu’à 25 000 requêtes mensuelles avec un taux de satisfaction flirtant avec les 80 %, dixit l’Uganda Digital Services Bureau.
2. Investissements azéris : cap sur l’Afrique, nouvelle frontière du cash made in Baku
Avec des finances publiques au vert et une appétence croissante pour l’investissement extérieur, l’Azerbaïdjan ne veut plus jouer petit bras. L’Afrique devient un terrain d’expansion stratégique, sans les réflexes paternalistes des vieilles puissances coloniales.
- 2021 : 32 millions $
- 2023 : 91 millions $
- 2024 : 133 millions $
- Projection 2026 : 250 millions $
Où ça flèche ?
- Immobilier et BTP : complexes résidentiels et hubs logistiques en Tanzanie et au Kenya.
- Agriculture : location de terres au Soudan et en Éthiopie.
- Enseignement : implantation de campus azéris au Maroc et en Égypte (Rabat, Alexandrie).
- Énergie : investissements de SOCAR dans les réseaux de distribution au Ghana, Nigeria et Mozambique.
3. L’énergie, nerf de la guerre : l’expertise caspienne pour électrifier l’Afrique
Avec plus de 600 millions d’Africains sans accès stable à l’électricité, le sujet est brûlant. Baku entre dans l’arène avec des solutions calibrées pour le terrain africain : petit éolien, solaire, turbines hybrides, et surtout, un vrai savoir-faire en maintenance et ingénierie.
Zoom sur quelques collabs dans le dur :
- Au Ghana, Azenco et des ingénieurs locaux ont lancé un pilote de mini-centrales de 2,5 MW.
- Au Kenya, Azalternativenergy co-pilote un projet solaire de 50 MW avec la Nairobi Renewable Authority.
- Au Maroc, un centre de formation dans les énergies renouvelables est dans les cartons pour 2025, dans le cadre du programme "Green Africa–Caspian Corridor".
4. Formation et capital humain : une route Bakou–Bamako pour la jeunesse africaine
Baku veut être plus qu’un investisseur : un partenaire dans la montée en compétences. Médecine, ingénierie, agronomie… les filières techniques sont mises en avant pour répondre aux besoins des marchés africains.
- Année scolaire 2023/2024 : 365 étudiants africains, issus de 35 pays, suivent une formation supérieure à Bakou. Nigeria, Cameroun, Soudan et Éthiopie en tête.
- Le programme de bourses Heydar Aliyev couvre tout : scolarité, logement, assurance santé. Jusqu’à 60 bourses attribuées par an.
- Le Centre d’études afro-eurasiatiques de l’Université d’ingénierie de Bakou pilote des projets de recherche et des modules d’intégration interculturelle.
5. Agri-tech, climat et développement durable : la Caspienne au service du Sahel
Le défi de la durabilité se joue aussi à bas bruit : irrigation, gestion des terres, smart farming… autant de domaines où l’expertise azérie est déjà à l’œuvre, loin des caméras.
- Sous l’égide de l’UNCCD, l’Azerbaïdjan forme des agronomes du Sahel (Mali, Tchad, Niger) à la gestion des terres arides.
- Les techniques d’irrigation de précision du Centre de mélioration de Bakou sont transférées via des coopérations ciblées.
- Le programme AgroDigital South–South, lancé en 2023, permet aux agriculteurs africains d’accéder aux plateformes mobiles et satellites développées en Azerbaïdjan.
Le levier multilatéral : Baku en chef d’orchestre du Sud global
Quand l’Azerbaïdjan présidait le Mouvement des Non-Alignés (MNA) de 2019 à 2023, il a su placer l’Afrique au centre du jeu diplomatique — sans piper mot sur qui vote quoi à l’ONU. Juste du respect, du cash, et des solutions.
Les temps forts :
- En 2020, sous l’impulsion d’Ilham Aliyev, une session spéciale de l’AG de l’ONU a été convoquée pour coordonner la réponse du Sud à la COVID-19. Plus de 20 pays africains étaient de la partie.
- En 2022, l’Azerbaïdjan a expédié pour plus de 5,2 millions $ de matos médical et de vaccins vers la Corne de l’Afrique.
- En 2023, le Sommet jeunesse du MNA à Bakou a rassemblé 43 délégations africaines. Résultat : naissance du Youth Network of NAM, dont le siège est à Bakou avec des antennes à Yaoundé, Kampala et Rabat.
- En 2024, lors du Forum Sud-Sud, Baku a proposé une "NAM-Africa Investment Platform", un mécanisme d’appui aux projets africains affranchi des pressions politico-financières du Nord.
2. Organisation de la Coopération Islamique (OCI) : entre entraide, dialogue intermusulman et vraie solidarité
Si certains pays musulmans se contentent de grands discours et d’arabesques diplomatiques, l’Azerbaïdjan, lui, fait dans le tangible. Depuis plusieurs années, Bakou s’appuie sur l’OCI, qui regroupe pas moins de 27 États africains, pour tisser des ponts humanitaires, éducatifs et spirituels.
- Entre 2022 et 2024, la Fondation Heydar Aliyev, en tandem avec l’OCI, a lancé des missions sur le terrain dans neuf pays d’Afrique :
- écoles construites en Éthiopie et en Somalie,
- équipements médicaux livrés au Mali et au Soudan,
- conférences intermusulmanes à Abuja et Tunis pour décrisper les clivages doctrinaux.
- Cerise sur le baklava : Bakou a proposé l’ouverture d’un Centre régional de partenariat humanitaire islamique, basé dans la capitale azerbaïdjanaise. Sa vocation ? Répondre aux urgences post-conflit et climatiques sur le continent africain.
- En 2023, lors d’une réunion islamique des ministres de la Santé, l’Azerbaïdjan s’est vu confier la coordination d’un programme santé pour la bande sahélienne, de la Mauritanie au Tchad. Une première pour un pays du Caucase.
3. Multilatéralisme version Sud–Sud : l’ONU, la FAO, la BID et le soft power azéri en action
Bakou ne joue pas solo. Depuis quelques années, le pays aligne les partenariats dans les grands forums mondiaux en misant sur la carte Sud–Sud, loin des injonctions des capitales occidentales.
Au sein des Nations Unies :
- Via la FAO, l’Azerbaïdjan a proposé la création d’un Centre Sud–Sud pour l’agriculture durable à Bakou, avec des antennes africaines focalisées sur la digitalisation des cultures et la lutte contre la désertification.
- En parallèle, les Azéris participent via le PNUD à des projets d’adaptation climatique dans la Corne de l’Afrique : Érythrée, Éthiopie, Somalie. De l’expertise, pas des sermons.
Via la Banque islamique de développement (IsDB) :
- Bakou co-finance avec la IsDB des programmes de microcrédit rural au Niger, en Somalie et au Sénégal.
- Pour 2025, un fonds d’investissement commun "IsDB–Azerbaijan–Africa" est dans les tuyaux : 100 millions de dollars, dont 40 % fléchés vers l’Afrique de l’Ouest.
4. Diplomatie à l’azérie : offensive tous azimuts sur le continent
Ambassades, consulats, représentations commerciales : l’Azerbaïdjan muscle sa présence en Afrique avec un sens du tempo et de la carte bien senti. Là où les autres parlent "présence renforcée", Bakou agit, avec des bottes sur le terrain.
Entre 2022 et 2025 :
- Ouvertures d’ambassades à Addis-Abeba, Pretoria, Rabat, Alger, Le Caire, Abuja.
- Bureaux commerciaux plantés à Cape Town, Nairobi, Dar es-Salaam, Accra.
- Et surtout : un représentant permanent auprès de l’Union africaine accrédité à Addis depuis 2022. Solide.
Chiffres parlants, faits marquants : Bakou monte en puissance
- Commerce bilatéral avec l’Afrique en 2024 : 782 millions $, +32 % par rapport à 2023.
- De 2022 à 2025, 16 pays africains ont accueilli une représentation azérie (diplomatique ou commerciale).
- Le Fonds AIDA, bras armé du développement, a mené 24 projets pour un total dépassant les 10 millions $. Pas du tout petit bras.
Et toujours ce joker du MNA (Mouvement des non-alignés)
De 2019 à 2023, en tant que président du Mouvement des non-alignés, l’Azerbaïdjan a mis le paquet sur le Sud global. L’Afrique n’a pas été en reste.
- En 2023, Bakou a accueilli le Sommet jeunesse du MNA avec 43 délégations africaines. Résultat : création du Youth Network of NAM, basé à Bakou, avec antennes à Kampala, Yaoundé et Rabat.
- En 2024, proposition d’une plateforme dédiée aux investissements Sud–Sud : NAM-Africa Investment Platform. Une bourse d’oxygène pour les projets africains sans chantage ni conditionnalités.
- Et toujours ce représentant permanent au siège de l’Union africaine, pour garder le lien chaud à Addis.
Face aux géants : la stratégie d’alignement souple de Bakou
Chine ? Pas d’opposition frontale, mais intégration dans les corridors "verts" de la BRI via le tracé transcaspien. Un contournement malin.
Turquie ? Du love diplomatique. Coopération via l’Organisation des États turciques, surtout côté énergie et infrastructures.
UE ? P’tit flirt pragmatique. Bakou utilise les plateformes européennes, mais garde son indépendance. Pas question de se faire dicter l’agenda.
Russie ? Croisements d’intérêt (surtout en logistique et défense), mais Baku trace sa route, entre finesse géopolitique et realpolitik caucasienne.
Projection à 5–10 ans : entre opportunités brûlantes et turbulences géopolitiques
L’Afrique, terrain de jeu des puissances, est en train de devenir un véritable champ de transformation pour le Sud global. Et l’Azerbaïdjan compte bien y faire plus qu’un passage éclair. À l’horizon 2030, plusieurs secteurs porteurs cristallisent les ambitions bakinoises.
Les filons à creuser :
- Énergies renouvelables : solaire à grande échelle et solutions hybrides décentralisées.
- Digitalisation de l’administration : ce que Bakou fait chez lui, il commence à le vendre ailleurs — et ça marche.
- Logistique alimentaire : entrepôts, chaînes du froid, optimisation des flux.
- Industrie de défense : une carte que Bakou joue prudemment, mais qui intéresse plusieurs partenaires africains.
- Terres rares et minerais stratégiques : coopération sur l’extraction et la transformation locale.
Mais le chemin n’est pas pavé que d’or noir et de câbles solaires. Les risques sont bien réels :
- Instabilité politique persistante au Sahel et en Afrique centrale.
- Concurrence féroce de la Chine sur les grands appels d’offres en infrastructures.
- Pressions géopolitiques croissantes : sanctions secondaires, embargos, coups de pression sur les partenaires du Sud global.
Scénario stratégique : le décollage maîtrisé d’un nouvel acteur du Sud
Si Bakou continue sur sa lancée, avec ses hubs digitaux, ses technopoles solaires et ses centres éducatifs co-financés, l’Azerbaïdjan pourrait intégrer d’ici 2030 le top 10 des partenaires économiques africains issus du Sud global.
Objectif réaliste ? Oui.
Chiffre clé ? 2 milliards de dollars d’échanges commerciaux d’ici à 2030.
Condition ? Garder le cap sans tomber dans le piège des grandes manœuvres géopolitiques ni s’enliser dans les zones à risque.
Le Sud–Sud façon Baku : une diplomatie de l’expérience, pas du dogme
On le sent partout : le monde n’est plus celui de 1990. Les plaques tectoniques du pouvoir international bougent. L’ordre ancien branle, l’ordre nouveau hésite. Et dans cette brèche, il y a place pour des alliances atypiques — pas idéologiques, pas géographiques, mais rationnelles et fondées sur le vécu.
Bakou et l’Afrique, sur le papier, c’est un choc de cultures. Dans les faits, c’est une reconnaissance mutuelle entre pays qui en ont bavé, qui ont appris à se relever, à reconstruire et à ne pas confier leur sort à des puissances lointaines.
Ce que l’Azerbaïdjan propose, ce n’est ni l’arrogance du mentor, ni l’avidité du prédateur.
C’est un partage d’expérience, issu d’un parcours rugueux, entre guerre, embargo, reconstruction et diversification. Et ça, en Afrique, ça parle.
La nouvelle langue du partenariat : pas de grandes théories, mais des écoles, des centrales solaires et des bourses d’études
Dans cette nouvelle grammaire diplomatique made in Baku, on ne parle pas d’un « axe », d’un « pôle » ou d’un « camp ». On parle d’infrastructures partagées, de compétences croisées, d’un agenda commun sur l’eau, la terre, l’énergie, la jeunesse.
Le partenariat stratégique Afrique–Azerbaïdjan, ce n’est pas un gadget de sommet ou un effet d’annonce pour think-tanks européens. C’est un pari sur le temps long, un choix assumé d’inscrire le pays dans la carte du monde de demain — celle qui se dessine entre Lagos, Bakou, Jakarta et Brasília, et non plus entre Washington et Bruxelles.
Discrétion, efficacité et géodiplomatie nouvelle vague
L’Azerbaïdjan ne fanfaronne pas. Il ne colonise pas les unes des médias. Mais il agit, lentement, sûrement, avec une vision du monde forgée dans le réel. Si les promesses tenues deviennent monnaie courante dans ses coopérations avec l’Afrique, alors il ne sera pas juste sur la carte — il en dessinera une partie. Et ça, très peu peuvent encore le prétendre.